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deux premières années la proportion des exclusions pour inconduite s’est trouvée cinq fois plus considérable pour les enfans catholiques que pour ceux des autres cultes. — L’esprit de tolérance avait tellement pénétré dans les habitudes de la maison, que chaque jour on voyait des enfans de différentes religions pratiquer librement, au milieu de leurs camarades, les exercices de leur culte, et c’était pour nous un spectacle touchant ; nous y trouvions un des symptômes des plus sûrs de l’union future et complète des races orientales.

Les puissances étrangères ne demeurèrent pas indifférentes à cette création et manifestèrent leurs mauvaises dispositions en toutes circonstances, soit que le collège, en se développant, contrariât des projets ultérieurs, soit qu’on s’alarmât du rôle que devait y jouer la France. Les Turcs partisans de l’institution se trouvaient combattus par un parti nombreux qui avait de solides points d’appui. Ainsi un premier sous-directeur turc, nommé par iradé impérial, fut empêché par son ministre d’entrer en fonctions. Il faut reconnaître que les sympathies les plus réelles pouvaient être sincèrement alarmées. Les musulmans de Constantinople jouissent de nombreuses immunités : ils sont exempts du service militaire, les impôts ne les atteignent pas, tous leurs établissemens d’instruction sont gratuits. Comment obtenir des élèves du lycée une rétribution relativement élevée ? Le principe du paiement de frais d’étude et d’éducation est tellement en désaccord avec les idées reçues que, même après l’avoir adopté, on voulait donner à chaque élève une piastre (20 centimes) par jour, afin de supprimer l’inégalité que la différence de position des familles pouvait établir entre les enfans. Notre amour de l’égalité ne nous a pas encore conduits jusque-là.

La communauté du régime alimentaire, les habitudes de l’éducation domestique locale, la variété des langues, les exigences de religions diverses, présentaient des obstacles si multipliés aux nécessités et à la discipline régulière d’un collège dirigé par des étrangers que l’on ne doit s’étonner ni de l’hésitation ni même de la répugnance de beaucoup de familles à essayer de l’établissement nouveau. Une crainte s’est manifestée à plusieurs reprises, c’est que les maîtres ne cherchassent à faire parmi les élèves de la propagande religieuse, et en vérité elle doit moins surprendre que la défiance des catholiques reniant à l’avance une administration de leur culte en pays musulman.

Malgré toutes ces difficultés et les incertitudes que pouvaient faire