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turc, et placés sous les ordres du ministre de l’instruction publique de Turquie. M. Duruy, frappé sans doute des succès obtenus par les Allemands, les jésuites italiens et les israélites dans leurs nombreuses écoles d’Orient, avait conçu antérieurement la pensée d’établir des collèges français dans tous les grands centres de population que baigne la Méditerranée ; l’école française d’Athènes aurait été chargée de l’inspection de ces établissemens. La création du collège turc de Galata-Séraï se rapprochait trop de ses idées pour que notre ministre ne la favorisât pas de tout son pouvoir.

L’enseignement devait être donné en français et comprendre la littérature, l’histoire, la géographie, les mathématiques élémentaires, les sciences physiques et naturelles, les langues turque, arabe et persane. Des cours de grec et de latin étaient destinés à faciliter l’intelligence des étymologies scientifiques ; le grec était pour la plupart des élèves d’une utilité journalière, et le latin offrait à ceux d’origine slave un intérêt particulier. Les langues orientales devaient être professées par des fonctionnaires turcs, et les exercices de la religion musulmane étaient placés sous la direction d’un imam.

Il est difficile de se faire une idée exacte de l’opposition et des clameurs que souleva au dedans et au dehors une institution aussi libérale dans son principe et son organisation. Les Grecs, naturellement peu enclins à favoriser tout ce qui peut donner de la cohésion et de la force à l’empire, se plaignaient de la part trop restreinte faite à l’étude de leur langue et s’en montraient fort mécontens. Les israélites du pays, originaires en partie d’Espagne, d’où l’inquisition les a chassés autrefois, ont conservé l’intolérance religieuse dont ils ont eu eux-mêmes à souffrir, et ne pouvaient se décider à placer leurs enfans dans une maison musulmane, sous la direction de chrétiens. Les moins fanatiques exigeaient pour leurs coreligionnaires une nourriture particulière, préparée suivant les rites hébraïques, ce qui aurait amené mille complications et brisé, dès le principe, l’unité que l’on voulait introduire. Les catholiques eux-mêmes refusèrent en grand nombre leur sympathie à un établissement où toutes les religions du pays étaient destinées à se trouver côte à côte et à jouir d’une égale protection. Avant l’ouverture du lycée, une décision du pape défendait aux familles catholiques d’y placer leurs enfans, sous peine de se voir privées des sacremens de l’église. Cette défense était renouvelée quelques mois plus tard et portée à la connaissance du public[1]. On redoutait, paraît-il, pour la moralité des enfans catholiques le mélange des races. Or dans les

  1. « Parentes qui bona fide egerunt, si promittant, quamprimum prudenter poterunt, se filios a lycæo ablaturos, ad sacramenta admittantur. Qui vero vel hoc ipsum promittere renuant vel in posterum obstinato animo filios immittere in lycæum ausi fuerint, a sacramento arceantur… » (Roma dalla Propaganda, 21 aprile 1869. C. Barnabo Pr.)