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LE
PRÉDICATEUR AMBULANT
RÉCIT DES TEMPS HÉROÏQUES DANS L’OUEST AMÉRICAIN.[1]


V. — LE SERMON DE KIKE.

Les méthodistes avaient décidément le dessus : le bal même était resté impuissant contre eux ; une communauté allait se former, on choisirait un point de réunion fixe. Hissawachee serait compris dans ce grand cercle qu’on appelle un circuit, la paix de la colonie était détruite. Lamsden plus que personne voyait des conséquences fâcheuses à leur établissement. Il avait eu le tort de commencer les hostilités ; le prédicateur l’avait défié ouvertement, Kike se joignait à l’église, et aucune demi-concession de sa part ne serait acceptée : il faudrait se rendre ou montrer une fois pour toutes aux intrus de quoi il était capable. Ce fut à la requête du capitaine que Morton, qui protestait contre la conversion de Kike en buvant et en jouant beaucoup plus que par le passé, prépara un charivari pour troubler le second sermon de Magruder. Celui-ci avait promis de revenir à Hissawachee le dimanche suivant. Il avait l’habitude de prêcher deux fois chaque jour de la semaine et trois fois chaque dimanche. Afin de remplir ce laborieux programme, il se mit en route au jour désigné bien avant le lever du soleil.

La règle veut que le prédicateur méthodiste se lève à quatre heures et passe l’heure suivante à lire et à méditer. L’aurore grise écartait donc faiblement les nuages lorsque Magruder arrêta sa monture au sommet d’une colline dominant la vallée d’Hissawachee, sur laquelle il promena le regard d’un général mesurant son

  1. Voyez la Revue du 1er octobre.