documens du moyen âge, la France montre une sûreté et un zèle qui témoignent de ce que savent faire dans l’érudition nos plus modestes étudians quand ils peuvent s’y appliquer. L’École des hautes études n’ouvre l’entrée d’aucune carrière ; elle n’a été créée que sous le ministère de M. Duruy, grâce à l’initiative de quelques hommes que l’enseignement purement littéraire alarmait à juste titre. Tel est l’intérêt de la science, tel est le charme de connaissances positives exposées avec suite, que dès les premiers jours elle a réuni un grand nombre d’élèves. Ses conférences de philologie, de paléographie, d’histoire critique, ont provoqué les vocations ; les jeunes gens y sont venus sans songer à aucun brevet qui fût leur récompense. C’est le propre des méthodes scientifiques que le maître y prenne un grand empire sur le disciple, que tout y stimule au travail, que le dévoûment des professeurs y égale celui des élèves. Les institutions établies sur une pareille base sont sûres de l’avenir. Que faut-il pour qu’elles se multiplient, si ce n’est que l’importance des recherches précises, de la vérité critique opposée au vague et à l’incomplet, de la réalité substituée aux agrémens de la fiction, frappe de plus en plus les esprits et les force à de fermes résolutions ?
Quiconque s’occupe des choses de l’intelligence a tout au moins le sentiment vague des services que rend l’érudition. Pour comprendre la complète valeur de ces études, la part qui leur revient dans le progrès de la pensée, à quel point la vigueur de l’esprit est atteinte chez un peuple quand elles y faiblissent, le plus sûr est de considérer les nécessités qui s’imposent de nos jours aux sciences morales, maintenant que par suite d’un progrès nécessaire elles se constituent avec rigueur et s’adressent de plus en plus à l’observation et à l’histoire. On ne peut s’arrêter au travail qui leur permet de s’organiser, aux méthodes qu’elles suivent, sans mieux voir quelle sera l’influence des recherches érudites dans les entreprises intellectuelles qui seront l’honneur de ce temps. Si nous laissons de côté cette forme inférieure de la critique littéraire qui charme un instant sans rien enseigner de suivi, les études morales, par opposition à celles qui ont pour sujet la matière, sont la science des manifestations auxquelles chaque peuple a été conduit par le développement naturel de ses facultés. Toute nation en effet, par cela seul qu’elle existe, possède des instincts, des tendances, des forces créatrices dont elle dirige, mais dont elle ne peut arrêter les évolutions nécessaires. Telle est tout d’abord la faculté du langage, qui donne naissance à la poésie, à la prose, aux variétés du style et de la composition ; tel est le sentiment du beau, qui se traduit par le goût des arts ; tel est ce désir de l’idéal, qui ne s’impose pas moins à la conscience qu’à l’esprit. La faculté politique, en se développant,