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l’intelligence nette et sûre d’elle-même, le don de voir la vérité et de la faire comprendre, de l’autre cette organisation et cette continuité de travail qui, dans ces études, sont une si heureuse condition de progrès.

Il se publie en Allemagne beaucoup plus de livres d’érudition qu’en France. Ils ont presque toujours un mérite, l’abondance des informations. L’auteur sait tout ce qui a été dit avant lui et le rappelle ; il expose l’état de la question, ou plutôt nous permet de le connaître, si nous sommes attentifs et studieux. — On ne lit pas d’ordinaire un livre allemand, on l’étudié. — L’usage des documens originaux, la critique des textes anciens y est de règle. Ces ouvrages citent de première main, et soumettent le passage auquel ils renvoient à une sérieuse analyse. L’ordre, la clarté, sont des mérites qu’il faut rarement leur demander. Sous l’abondance des faits, l’écrivain est accablé ; il se reconnaît avec peine au milieu des matériaux qu’il a réunis : il entasse plus qu’il ne bâtit. L’important pour lui se distingue mal de l’accessoire ; il ne s’occupe guère de la juste proportion que doivent avoir les différentes parties de son œuvre. Il est tel livre allemand qu’il faut refaire pour le bien comprendre : nous lui cherchons un titre qui résume la pensée principale ; nous divisons l’ouvrage en chapitres ; nous mettons ces chapitres dans l’ordre où ils s’éclairent les uns les autres : alors seulement nous pouvons lire avec fruit les démonstrations et porter un .jugement. Combien ce travail n’a-t-il pas été imposé souvent à beaucoup d’entre nous ! Voici par exemple les Commentationes epigraphicœ de M. Neubauer. — L’ouvrage n’a pas d’introduction ; l’auteur n’indique nulle part le sujet qu’il traite. Nous lisons les premières pages : nous croyons qu’il se propose seulement de restituer quelques inscriptions ; les pages suivantes ne nous éclairent pas encore ; nous passons d’un problème de détail à d’autres questions en apparence aussi peu importantes. Ce volume est pourtant d’une grande valeur ; il est le meilleur travail que nous ayons sur la partie jusqu’ici la plus obscure de la chronologie athénienne. Il était si facile, semble-t-il, d’annoncer le sujet, la méthode, en quelques mots de préface, de suivre pour toutes ces observations l’ordre du temps. Il faut trois mois au savant le mieux préparé pour reconnaître que M. Neubauer a fait une œuvre vraiment utile.

D’autres fois l’abondance des documens rapportés et des digressions nous fait perdre le sens même du sujet ; nous ne savons plus où nous conduit l’auteur, il l’ignore lui-même. Il arrive que de tout un gros volume nous ne retenons qu’un catalogue de faits ou de monumens ; nous n’avons pas aperçu l’idée importante, celle qui fait le mérite du livre ; elle était cachée dans une note, au bas