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Séguier, les L’Hospital, les Étienne Pasquier, les Nicolay. La chambre des comptes en particulier, que les trois derniers noms avaient alors honorée, eut un beau rôle sous le règne difficile d’Henri IV ; un des membres les plus distingués de notre cour actuelle des comptes l’a bien défini. « Les magistrats restés à Paris durant les troubles, comme ceux de Tours, ne cessèrent pas d’être royalistes. À part quelques meneurs, qui se firent un triste renom, la chambre parisienne soutint l’honneur de la magistrature. Elle n’usa de son intervention forcée dans les affaires de la ligue que pour faire entendre à la population les accens d’une courageuse fidélité. Ni espagnole ni lorraine, mais française et catholique, elle se donna pour mission de ramener le peuple vers la seule voie de salut qui restât à la France. Elle brava les violences des seize, les déclamations des fanatiques ou le ressentiment des princes, pour défendre les intérêts de la royauté ; alliée constante des politiques, elle ne craignit jamais de répéter que l’espoir de la patrie était dans la conversion du Béarnais, que tous brûlaient de proclamer roi de France[1]. »

Nous avons dit l’affaiblissement des cours souveraines sous les règnes qui suivirent. Ce serait un utile et attachant, mais très long travail que d’étudier dans le livre de M. de Boislisle comment se sont modifiés sous Louis XIII et Louis XIV les rapports entre les cours et la royauté, — comment, sous Louis XV, elles ont cru revivre, mais n’ont fait, tout en laissant alors à la chambre des comptes un rôle plus réservé, que contribuer peut-être au désordre qui se précipitait ; on les verrait enfin sous Louis XVI partager les illusions communes, puis succomber avec dignité. La loi du 25 août 1791 supprimait les chambres des comptes ; lorsque le chef du département écrivit au premier président qu’on allait procéder aux mesures d’exécution, celui-ci lui répondit en ces termes : « Nous vous devons des remercîmens, monsieur, de nous définir le terme prochain de notre existence civile. Les portes de la chambre des comptes seront ouvertes. Les préposés des nouvelles administrations peuvent dès aujourd’hui aller consommer notre anéantissement et se promener sur les derniers débris de la magistrature. Nous irons gémir sur les ruines de la religion et de la monarchie, et nous attendrir sur les malheurs de la famille royale. Ceux qui les ont loyalement servies conserveront éternellement le droit de les respecter et de les chérir. » Ce dernier des chefs suprêmes de la chambre honora par sa propre fin le souvenir des cours souveraines. Aymard-Charles-Marie de Nicolay avait refusé en 1789 le mandat de député aux

  1. La Chambre des comptes de Paris au seizième siècle. — Discours de M. le procureur-général Petitjean ; audience solennelle de rentrée de la cour des comptes, 4 novembre 1873. Paris, Imprimerie nationale, in-8o.