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disait-il, à des documens que la chambre réservait pour le prince et pour ses propres registres. L’imprimé était frappé de suppression avec grand fracas, et continuait néanmoins à circuler partout ; il était rare que la police s’en mêlât sérieusement. Dans les temps troublés, les argumens des magistrats étaient répétés et développés par les prédicateurs dans leurs sermons, par les écrivains dans leurs ouvrages populaires : les raisonnemens de Jean Bodin en 1576, dans son livre de la République ne sont quelquefois que la reproduction textuelle des remontrances présentées par la chambre des comptes en 1573. De tels témoignages démontrent que les cours souveraines furent en plus d’une rencontre les fidèles interprètes du sentiment général : il y avait là une force réelle qu’il eût été imprudent de braver.

Toutefois ces cours devaient restreindre leur action aux matières administratives. L’assemblée politique, c’étaient les états-généraux ; vraie représentation nationale dès l’origine, ils recevaient les doléances des divers ordres et avaient pour mission de contrôler, de diriger même en certains cas le gouvernement. Ils avaient fait au XIVe siècle des efforts répétés pour se rendre annuels, en même temps que pour procurer aux remontrances des cours souveraines une autorité que la royauté ne pût décliner ; mais, ces efforts ayant échoué, les rois avaient conservé un droit de convocation qui les rendit maîtres des assemblées d’états. Quand ils ne les convoquèrent plus, les cours souveraines s’imaginèrent qu’elles allaient pouvoir suppléer à cette grande institution en revendiquant pour elles-mêmes l’exercice de droits politiques dont elles avaient eu jadis quelque partie ; mais elles s’aperçurent bientôt qu’elles seraient impuissantes à lutter contre l’œuvre séculaire de l’unité monarchique, et se virent enveloppées dans la défaite commune. Elles firent un dernier effort au lendemain de l’avant-dernière assemblée d’états-généraux ; l’insuccès de la Fronde abaissa les barrières qui contenaient encore la royauté. L’ordonnance de décembre 1665, les poursuites dirigées contre les magistrats, la fréquence abusive des lettres de jussion, la révocation des privilèges de noblesse accordés en lô44, la transformation des cours souveraines en cours suprêmes, l’ordonnance d’avril 1667 et la déclaration du 24 février 1673, calculées pour laisser une apparence de droit de représentation « après l’enregistrement, » ruinèrent, au moins pour un demi-siècle, les perspectives de libertés parlementaires. On vit quelque espoir renaître, il est vrai, au lendemain de la mort du grand roi : le régent s’empressa de rendre au parlement, puis à la chambre des comptes le droit de remontrances ; mais ce fut en définitive pour donner naissance uniquement à une opposition impuissante, souvent indiscrète et brouillonne,