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les cours ne conservèrent plus de leurs pouvoirs primitifs que l’enregistrement des actes royaux. Ce ne fut pas seulement une formalité de conservation et de publication, car il fut admis que l’enregistrement pourrait être précédé d’observations, de représentations, de remontrances. L’enregistrement devenait ainsi une réelle vérification, faute de laquelle les lois eussent été, selon la doctrine des principaux jurisconsultes et celle des états-généraux, considérées comme « inutiles, caduques et sans exécution. »

Voici de quelle manière ce droit d’enregistrement s’exerçait. Les édits émanés de l’initiative royale étaient apportés au bureau de la chambre, primitivement au moins, par des princes ou des seigneurs de l’entourage du roi ; plus tard, ils étaient envoyés au procureur-général par celui des secrétaires d’état qui les avait préparés. Si nulle objection n’était soulevée, la chambre prononçait l’enregistrement, et le greffier le consommait par une inscription au bas de l’acte, qui, une fois transcrit sur les registres de la chambre, était renvoyé au chancelier ou bien au secrétaire d’état, et pouvait être imprimé dès lors et publié. L’édit royal paraissait-il au contraire donner lieu à quelques difficultés, le premier président nommait pour un plus ample examen des commissaires, avec lesquels il travaillait lui-même. Si la chambre, sur leur rapport, concluait à la nécessité des remontrances, le premier président en préparait le texte ; on les examinait en assemblée générale, et, après les avoir transcrites au Plumitif ou journal de la chambre, on nommait une députation pour aller les présenter au roi, en grande pompe, avec une longue suite de carrosses à quatre et à six chevaux, la maréchaussée servant d’escorte, et les honneurs étant partout rendus sur le passage par les municipalités et les officiers royaux. Le roi recevait assis, mais se découvrait à l’entrée des députés ; la harangue du premier président était suivie d’une courte réponse du prince, et les magistrats faisaient la révérence en se retirant, tandis que le président nommait chacun d’eux tour à tour. Le lendemain, le chef de la députation rendait compte de sa mission à la chambre, et son rapport donnait les discours, que l’on transcrivait à la suite des pièces précédentes. La réponse définitive du roi se faisait attendre d’ordinaire ; quelquefois il faisait des concessions, mais le plus souvent il refusait de rien changer à son édit. De son côté, la compagnie pouvait persévérer soit en renouvelant ses représentations, soit en traînant les choses en longueur ; mais finalement le roi, s’il voulait couper court, lui envoyait par un prince du sang ou par quelque seigneur de sa cour des lettres de jussion, qui étaient reçues en séance solennelle et avec l’appareil d’un lit de justice. La chambre se croyait alors obligée, sous peine de désobéissance