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de sculptures allégoriques, et se terminant par une élégante tourelle avant de se rejoindre aux vieilles constructions du bord de la rivière. Telle est, dans ses principaux traits, la description de l’ancien édifice du XVIe siècle, telle que l’auteur a pu la restituer à l’aide de quelques plans et de quelques textes, notamment d’après une estampe de la fin du XVIIe siècle qu’il a reproduite en tête de sa notice préliminaire. M. de Boislisle a d’ailleurs fait revivre avec une rare précision l’aspect intérieur de l’ancienne chambre, du grand et du petit « bureau, » des salles du parquet. Il nous en dit la tenture et l’ameublement ; voici les sabliers de coquilles d’œuf pour marquer l’heure, les sacs pour mettre les acquits, les peaux de parchemin pour lier les paquets d’actes de foi et hommage, les jetons de cuivre pour faire les calculs sur l’abaque, avec des devises composées par des poètes à gages. Tout cela est d’un grand intérêt pour l’archéologue ou même pour celui qui entreprend l’étude détaillée des procès contemporains ; nous aimons mieux toutefois suivre l’ingénieux érudit dans sa peinture attachante de la physionomie extérieure que donnaient à cette partie de la Cité les usages de la chambre des comptes et les vieilles mœurs de la population parisienne.

On n’a qu’à jeter un coup d’œil sur l’estampe insérée dans le volume de M. de Boislisle pour apercevoir, tout autour de l’abside de la Sainte-Chapelle et jusqu’à l’entrée des escaliers extérieurs de la chambre des comptes, une série continue d’échoppes appuyées contre la base du monument. Il en est de même autour des maisons à pignons et à tourelles qui forment la pittoresque enceinte de la cour du palais, et qui se relient à angle droit par le pavillon de l’horloge aux bâtimens situés sur la rive du fleuve. C’était là, comme on sait, un ancien usage, hérité des temps les plus inertes du moyen âge ; tous les édifices publics servaient de supports à d’étroites et obscures constructions où s’abritaient, sans air et sans espace, sous la pluie des gargouilles et dans la fange du chemin, des milliers de pauvres gens. Ainsi en Italie et en Grèce, aux époques les plus malheureuses et les plus sombres, alors qu’on était devenu trop inhabile ou trop misérable pour élever au peuple des demeures suffisantes, les faibles se réfugiaient parmi les ruines des monumens antiques ; ils s’y attachaient, y appuyaient quelque mauvais mur de terre et vivaient là, protégés contre les barbares, contre les ennemis intérieurs, contre les rigueurs du froid, par les glorieux débris des âges précédens. Le sentiment religieux avait fait en outre rechercher des populations, pendant le moyen âge, le voisinage immédiat des églises, et notre temps a vu encore un bon nombre de ces masures encombrant les abords des temples, qu’un goût plus éclairé