Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/737

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce qu’avait créé ou amassé en province une activité réelle, bien qu’étrangement confuse. À part 354,000 hommes dispersés en Afrique, dans les dépôts ou dans les camps et difficiles à utiliser ou à détourner de leur destination, il restait 534,000 hommes répartis en huit corps et quelques divisions indépendantes. Des douze corps qu’on avait organisés depuis le jour de la clôture de Paris, quatre, — le 15e le 18e le 20e le 24e — n’existaient plus pour la défense, c’étaient ceux de l’armée de l’est. Deux, le 22e et le 23e formaient l’armée du nord sous Faidherbe : ils avaient un rôle distinct et limité. Le reste s’échelonnait sur l’Orne et la Mayenne ou au-delà de la Loire : le 16e le 17e le 19e le 21e couvrant une partie de la Normandie et la Bretagne entre Caen et Laval, le 25e en avant de Bourges, le 26e à peine ébauché, à Guéret. Vers Lyon ou la Saône, il y avait encore quelques forces et ce qu’on appelait l’armée des Vosges sous Garibaldi, que M. de Bismarck, au grand scandale de M. Jules Favre, menaçait de faire fusiller s’il le prenait. Malheureusement ce chiffre de 534,000 hommes, qui représentait les forces disponibles de la France pour le moment, n’avait rien de réel, et tous ces hommes n’étaient pas des soldats. Le 25e corps était censé compter 41,000 hommes, il en comptait 29,000 aux premiers jours de février, et avant la fin du mois il n’atteignait plus peut-être 25,000. Les mobilisés, appelés à servir à côté de l’infanterie de marche déjà bien novice, les mobilisés, dénués d’instruction, mal conduits, indisciplinés, se débandaient par centaines sans avoir vu un uhlan. Ils n’avaient plus qu’un désir depuis l’armistice, le désir violent et désordonné de rentrer chez eux. C’était un contingent d’apparence, plus bruyant que sérieux et démoralisé avant le combat. Le noyau le plus solide dans ces masses militaires plus ou moins organisées était l’armée que le général Chanzy avait ramenée du Mans sur la Mayenne, et qu’il mettait le zèle le plus énergique à reconstituer, aidé de ses vigoureux lieutenans, les Jauréguiberry, les Jaurès. Avec les 140,000 hommes de Chanzy et ce qui aurait pu être tiré des autres corps, on aurait eu peut-être réellement de 250,000 à 300,000 hommes.

C’était le dernier mot, et pour atteindre ce suprême résultat, pour avoir 250,000, peut-être 300,000 hommes, à opposer aux forces que les Allemands pouvaient désormais jeter sur nous avec leurs 500,000 hommes disponibles, on avait tout épuisé, cadres et personnel. Il avait fallu faire des capitaines avec des sous-officiers, appeler tous les anciens soldats, toutes les classes libérées, les mobiles, de sorte que ces mobilisés, auxquels on arrivait, finissaient par n’être plus qu’un résidu de la masse virile de la nation. Remarquez bien ceci : avec ce que la guerre lui avait déjà coûté en