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du moindre temps d’arrêt pour s’agenouiller à terre et s’asseoir sur leurs talons à la façon du pays. Ces braves militaires étaient jambes et pieds nus, portant cette espèce de caleçon de bain qui n’a rien de l’uniforme, chacun en possédant un d’une couleur différente. Le haut du corps était recouvert de vieilles vestes anglaises réformées et complètement en loques, enfin sur la tête un melon en cuivre doré, portant sur le devant un petit miroir, généralement cassé. Ce miroir est là pour réfléchir les rayons du soleil et donner à cette armée l’aspect le plus brillant.

Cependant les éléphans destinés à nous transporter n’arrivaient pas, et en les attendant on devisait de la bonne tenue des troupes, de l’habitude qu’avaient les hommes de se tatouer depuis la ceinture jusqu’aux genoux, du singulier costume des femmes, dont la jupe fendue depuis la hanche jusqu’aux pieds, d’un côté seulement, laissait en marchant voir la jambe entière, etc. À ce propos, nos compagnons de voyage nous racontèrent une légende assez bizarre. Les Birmans n’ont presque pas de barbe, et ils s’attachent à arracher le peu dont la nature les a gratifiés, ils laissent croître tous leurs cheveux, qui, entre parenthèses, sont fort beaux et d’un noir d’ébène, ils les nouent en chignon sur le haut de la tête. Dans cet accoutrement, ils ne laissent pas d’avoir un certain aspect féminin. Or il y eut dans les temps reculés une époque où les habitans s’y trompaient parfois. Un sage monarque, voyant la population de son empire décroître, décréta que tout homme serait tatoué et que toute femme porterait le costume engageant dont nous avons parlé.

Mais voici les éléphans arrivés, la mission, escortée par les troupes, défile pendant une heure et demie à travers champs d’abord, puis à travers les rues de la ville extérieure, se rendant à la résidence que le souverain avait fait bâtir pour la recevoir. L’éléphant qui marchait en tête portait la lettre écrite au roi par le président de la république française.

La ville de Mandalay se compose d’abord d’une petite ville centrale carrée, pouvant avoir 800 mètres environ de côté, ensuite de la « ville intérieure, » vaste carré d’environ 1,800 mètres de côté, enfin de la a ville extérieure, » qui s’étend dans tous les sens. La ville centrale, c’est à proprement parler le palais. Sur chaque face il y a une porte ; celle du nord et celle du sud sont les portes vulgaires, celles des habitués du palais ou des ouvriers employés à l’intérieur ; la porte de l’ouest est toujours fermée et ne s’ouvre que pour donner passage à quelque reine se rendant à la promenade ; celle de l’est est la porte d’honneur par laquelle entrent les personnes qui ont obtenu une audience du souverain ou qui ont à s’entretenir avec les ministres. Dans cette petite ville centrale se trouvent