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capitaux vers les valeurs de cette sorte, qu’une agitation quelconque trouble le cours de ces spéculations, et le fond se laisse voir, c’est-à-dire l’embarras inextricable de l’emprunteur, et l’indispensable nécessité pour le concessionnaire d’exiger des conditions de plus en plus rigoureuses, à peine suffisantes à sa sûreté, quoique mortelles au crédit de l’état obéré. Une autre conséquence logique de ces opérations a été la publicité qu’elles ont reçue, publicité nuisible au succès même ; aussi les capitaux privés sont-ils devenus non-seulement plus méfians, plus prudens, plus hésitans à se livrer, mais, jaloux de l’avantage concédé aux concessionnaires et partagé par les syndicats, ils ont augmenté leurs exigences et ne se livreraient plus au même prix. La conclusion forcée, en allant à l’extrême, serait que, devant les demandes légitimes des prêteurs, la dette, aggravée par le taux de l’intérêt, par la rapidité de l’amortissement, finirait par paraître si écrasante qu’à aucun prix les états ainsi obérés ne trouveraient à emprunter.

Telle est, sans mentionner aucun fait et sous la forme d’un simple raisonnement, l’histoire d’un des phénomènes les plus curieux du monde financier actuel. Sur cette scène, où, comme sur la scène politique, s’agitent tant de passions, se déploient tant de ressources d’intelligence, de science même, où les victoires et les défaites ont une si grande influence sur le sort des masses, il a paru curieux et instructif de saisir au passage un trait de nos mœurs contemporaines et d’expliquer au lecteur une des locutions qui l’ont sans aucun doute le plus vivement frappé.

L’ère des syndicats n’est pas close, il s’en faut, et l’on ne saurait prétendre que le système de l’association ne sera plus mis en usage pour spéculer sur des fonds publics, comme pour lancer des entreprises particulières ; toutefois nous inclinons à croire que, pour les deux pays notamment dont nous avons retracé la situation financière, on ne trouvera plus aujourd’hui à mettre en usage autant que par le passé des procédés dont la logique démontre l’impuissance finale quand on s’en sert à outrance. La Turquie et l’Egypte ont fait abus des emprunts particuliers, des combinaisons officieuses ; c’est au public qu’elles essaient et qu’elles ont besoin aujourd’hui d’avoir recours ; mais, pour réussir dans cette voie, d’autres conditions devenaient nécessaires et urgentes.

L’Egypte n’offre pas de ressources supérieures à celles de la Turquie, mais les créanciers de l’Egypte sont moins nombreux ; en France particulièrement, les valeurs égyptiennes n’ont pas un grand courant d’acheteurs. Avec un peu d’ordre, des économies pendant quelques années, l’Egypte pourra retrouver l’équilibre du budget, sans lequel le crédit n’existe pas.

Quant à la Turquie, il ne faut pas se dissimuler que la situation