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et l’Italie en particulier ont vu la création simultanée, a pour raison d’être ce que nous appellerons la mise en valeur des concessions d’emprunts faites à des personnalités privilégiées, le partage des bénéfices qui avaient enrichi celles-ci, et l’appel adressé au public pour en fournir les élémens définitifs. Il ne saurait entrer dans les limites de cette étude d’exposer les conséquences de ce système et de faire l’histoire financière de chacune de ces sociétés se groupant entre elles, se disputant ou se divisant successivement les emprunts à obtenir et les émissions à faire. Il suffira de faire ressortir le résultat nécessaire que la concurrence ou l’entente elle-même ont dû produire. L’agglomération des forces chez les prêteurs a permis tout d’abord de remplacer les premiers emprunts assez modérés par des opérations énormes, de substituer des centaines à des dizaines de millions, en même temps que la facilité de les obtenir faisait croître l’avidité ou favorisait l’incurie des emprunteurs. C’est l’éternelle histoire des fils de famille qui dépensent encore plus vite qu’ils ne rencontrent de gens disposés à satisfaire à leurs fantaisies ; mais, à mesure que les emprunts ont grossi, les risques se sont accrus et l’argent est devenu plus cher. Ce n’a pas été trop pour se garantir de la gêne, sinon de l’insolvabilité du débiteur, que de lui demander des rémunérations en proportion avec les embarras qu’un remboursement retardé pourrait occasionner : à cet égard, aucun taux d’escompte, si usuraire parût-il, ne compense, pour une société de crédit par exemple, l’immobilisation d’une trop grosse partie de son capital ; mais d’autre part, plus les avantages obtenus du débiteur étaient grands, plus son crédit s’abaissait, et moins il y avait de chances de faire souscrire par les capitaux privés à un taux comparativement élevé, avantageux tout à la fois à l’état emprunteur et à ses concessionnaires, les emprunts dont ceux-ci ne s’étaient chargés que dans le but de les écouler dans le public. Il y a là un cercle vicieux dont la logique dit qu’on ne peut sortir, surtout quand il s’agit d’états à crédit médiocre, de ceux précisément avec lesquels on trouve, ce semble, le plus d’argent à gagner. C’est en vain qu’on a recours aux procédés les plus habiles, à des prises ferme et à option d’emprunts concédés. Un syndicat s’engage-t-il à prendre ferme le tiers ou la moitié d’une émission de titres, cette portion lui est donnée à un prix relativement faible, et dans un délai stipulé l’autre partie doit être ou prise à un taux plus élevé ou entièrement abandonnée. Les contractans ont ainsi le temps d’écouler la partie prise ferme par eux, de faire monter les cours et de préparer l’émission du solde dans le public. Assurément la combinaison peut réussir, et souvent il en a été ainsi ; mais combien de circonstances doivent concourir à ce résultat ! Qu’un événement important se produise, qu’un temps d’arrêt survienne dans le mouvement des