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de la dette consolidée se trouve aussi une dette flottante qu’on évaluait à 100 millions, contractée avec des maisons égyptiennes et françaises, et quelques sociétés de crédit[1]. L’intérêt en est naturellement plus élevé que celui de la dette consolidée ; mais il est souvent inférieur à l’intérêt de la dette flottante du gouvernement. Cela est tout naturel : le vice-roi est plus riche que l’Egypte, les emprunts qu’il contracte ont aussi un meilleur emploi, étant destinés en général à améliorer ses propriétés et à pourvoir au paiement des commandes faites à l’industrie étrangère. On évalue en effet à 600,000 hectares les biens immobiliers du khédive, et ce ne sont pas les terres les moins bien cultivées. L’exploitation des plaines si fertiles de la vallée du Nil se fait à l’aide des machines les plus perfectionnées : la culture du coton a d’abord donné d’énormes produits, dont les progrès ont été arrêtés seulement par la baisse survenue depuis quelque temps dans les prix ; pour y suppléer, le vice-roi a voulu développer sur la plus grande échelle la production du sucre. On évalue à 50 millions de francs les dépenses qu’il vient de faire pour l’établissement des sucreries, dont le principal soin a été confié à l’importante maison française Cail et C°. La valeur en capital de la fortune du khédive peut bien atteindre 500 millions, et on ne craint pas d’en évaluer le revenu à 70 ou 80 millions. Ce n’est donc pas de ce côté que viendraient les plus grands embarras pour les finances de l’état. Comment alors expliquer la crise qu’elles ont subie, et dont les périls ne sont pas encore entièrement conjurés ?

Deux causes principales y ont contribué : d’une part, des dépenses trop considérables et trop rapidement faites ; de l’autre, le mode des emprunts contractés à trop courts termes, d’où des déficits toujours croissans et un cercle vicieux d’embarras insurmontables. Le budget de 1873-74 porte en recettes 257 millions et en dépenses 229. L’impôt foncier seul entre dans les revenus pour 150 millions, les douanes pour 15 et le revenu net des chemins de fer pour 22 ; un nouveau droit, celui de l’entrée sur les tabacs, donne 13 millions. C’est une grande augmentation sur le budget publié de 1872, qui ne se chiffrait qu’à 189 millions en recettes, et en dépenses à 184. Le premier article des dépenses est l’intérêt de la dette, 76 millions ; les plus gros chiffres qui viennent ensuite sont : le tribut à la Porte pour 17 millions, le ministère de la guerre pour 19, et les travaux publics pour 26. Quand on connaît la fortune personnelle

  1. Une très récente opération pour le placement de 30 millions de bons de la daïra échéant en 1874 a été conclue en juin dernier avec la maison Pastré ; par contre, on a offert de rembourser par avance des bons échéant en 1874. Ce n’est donc pas une nouvelle dette.