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L’emprunt de 1873 en 6 pour 100 au cours de 54 venait à peine d’être émis que le gouvernement turc était forcé d’escompter à l’avance la partie ferme de l’emprunt payable à divers termes par les contractans et les versemens successifs à faire par le public. Malgré de premières avances destinées à payer les échéances des dettes extérieures, on douta pendant quelques jours du paiement, en janvier 1874, du coupon de la dette générale intérieure 5 pour 100, et en même temps qu’on y faisait face, non peut-être sans difficultés, les mandats du gouvernement (bons des ministères, etc.) échéant aussi en janvier étaient inutilement protestés ; les mandats échus et présentés depuis lors ont subi longtemps le même sort, ils n’ont été admis au remboursement que dans ces derniers jours. Le gouvernement ottoman est donc, à vrai dire, resté huit mois en suspension de paiement pour tous ses engagemens particuliers. En juillet dernier, quelques-uns des prêteurs habituels de l’empire, lassés d’atermoiemens indéfinis, n’ont pas craint d’exécuter leur débiteur et de vendre à la Bourse de Paris les gages qu’eux au moins avaient eu la prudence de se faire remettre ; mais ce qui importe plus que les engagemens particuliers, ce sont les engagemens avec le public : de janvier à avril, il fallait aviser à ceux-ci et notamment au paiement des intérêts et des lots des emprunts de chemins de fer. Le gouvernement pouvait-il encore compter sur ses prêteurs ordinaires ? Avait-il épuisé sinon les ressources, du moins la bonne volonté des établissemens de crédit dont il était le principal client ? Pour s’en assurer, une mission fut confiée à un haut fonctionnaire ottoman, Sadyck-Pacha, très capable par son intelligence et son expérience des affaires de mener à fin une mission aussi délicate. Sadyck-Pacha obtint tout d’abord quelques nouveaux prêts qui ont permis de faire face aux besoins du premier trimestre de 1874 ; les lots des obligations de chemins de fer furent payés, mais les mandats particuliers ne l’étaient pas encore, et les échéances de juillet arrivaient à grands pas.

On comprit alors la nécessité de recourir à des bourses mieux garnies que celles des plus riches banquiers, c’est-à-dire à celles de tout le monde. Ce n’était pas, il est vrai, chose facile que de prendre, même en ce moment où la hausse des fonds français et le paiement achevé de nos gros emprunts rendaient l’épargne disponible, la mesure des émissions à ciel ouvert, du franc appel aux petits capitaux. Le public était devenu méfiant, il avait connu les bénéfices des traitans étrangers ou nationaux avec le gouvernement turc, de ces syndicats dont nous parlerons tout à l’heure, enfin il savait les dernières défaillances du trésor ottoman ; on devait donc croire qu’il ne prêterait plus, non-seulement qu’à gros intérêts, mais qu’à bon escient. S’il lui faut du profit, il lui faut plus encore de la sécurité ; l’insuccès de l’émission de l’emprunt 1873