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gagner le Yan-tsé-kiang pour déboucher à Shanghaï, d’où les produits, après cet énorme trajet, ont à doubler la presqu’île malaise pour se rendre en Europe. La chambre de commerce de Rangoon a déjà, il y a quatre ans, ouvert un crédit de 75,000 francs pour permettre des études dans ce sens ; mais jusqu’à ce jour aucun voyageur en dehors des naturels du pays n’est parvenu à se rendre de Chine en Birmanie ou de Birmanie en Chine. Le gouvernement des Indes se plaint amèrement des difficultés que lui créerait le gouvernement birman. Il peut en effet y avoir quelque chose de fondé dans ces récriminations. On conçoit que le gouvernement birman craigne de voir son indépendance diminuer par l’ingérence des étrangers et particulièrement des Anglais. Il est positif pourtant que le roi avait proposé à la mission française de la faire pénétrer en Chine par cette voie ; mais les difficultés du voyage, le manque de garanties au-delà de la frontière, des influences venues du gouvernement même de Yunnan ou d’ailleurs, bien d’autres raisons encore, firent avorter ce projet.

L’Irawady est navigable jusqu’à Bhamo, c’est-à-dire à 900 milles de son embouchure ; un bateau à vapeur par mois en moyenne se rend de Mandalay à cette ville frontière. Depuis des siècles, les caravanes chinoises font le trajet entre Bhamo et Talifou ; les guerres civiles seules interrompent leur marche de temps à autre. Talifou est au beau milieu de la partie riche du Yunnan et aux portes du Setchouen et du Kouei-tcheou. Les produits chinois qui se rendent de ces parages à Shanghaï par le Yan-tsé-kiang, outre le grand détour que nous avons signalé, ont en outre, si je ne me trompe, à payer un droit à l’entrée de chaque province, tandis que par Bhamo ils n’en ont à payer qu’à la Birmanie. M. Cooper, qui en 1869 tenta de pénétrer de Chine en Birmanie, a depuis habité longuement Bhamo pour y étudier sur place la question ; il est d’avis que par cette voie on gagnerait un tiers sur les produits du Yunnan. La partie difficile du trajet est de Bhamo à Momein. Cette dernière place est en communication avec le reste de l’empire chinois par des routes pavées, et n’est distante de Bhamo que de 200 ou 220 kilomètres. Le major Sladen, qui a visité ces pays en 1868, s’exprime de la façon suivante dans son rapport officiel : « Il résulte des dernières études et des derniers renseignemens que les populations qui habitent au-delà de la Birmanie indépendante sont favorables à l’ouverture de voies sérieuses de communication. En outre les mouvemens de terrain qui séparent la Birmanie de la Chine à hauteur de Bhamo ne sont pas de nature à opposer un obstacle sérieux à la construction d’un chemin de fer, de 130 milles de longueur, qui réunirait Bhamo à Momein. Ce chemin de fer entraînerait sur l’Irawady et sur Rangoon