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où le souvenir des arrérages suspendus sur la rente espagnole a toujours éloigné de ce mode de placement les petits capitaux, les porteurs français d’obligations turques ont jusqu’à présent touché annuellement des arrérages qui ont encore développé leur heureux penchant à l’économie. Une étude sur les finances de l’Egypte et de la Turquie se rattache ainsi aux habitudes de la France en matière de placemens. Après avoir donné d’exacts renseignemens sur la situation présente de ces pays, nous rappellerons quelques circonstances particulières de l’émission ou de la souscription des emprunts égyptiens et turcs dans ces dernières années, propres à faire comprendre le succès qu’ils ont eu ou doivent avoir, en nous contentant de laisser parler les chiffres.


I.

La dette publique en Turquie est de date récente : il y a trente ou quarante ans, le gouvernement usait encore des procédés dont les souverains au moyen âge se servaient pour se créer des ressources en temps de guerre ou de calamités publiques, l’altération des monnaies par exemple. De 1819 à 1839, sous le règne de Mahmoud, le titre et la forme de la monnaie changèrent pour l’or trente-cinq fois, et trente-sept pour l’argent. Plus tard, on eut recours à des moyens plus perfectionnés, à l’émission de papier-monnaie et à quelques essais de création de rente intérieure. Celle-ci se contractait sous forme de serghis, obligations sans intérêt ni échéances fixes, et de titres de rentes perpétuelles. Un rapport de M. Baron, secrétaire de l’ambassade anglaise, estime qu’en 1854 l’émission du papier-monnaie s’élevait à 150 millions de francs, et à 281 en 1863, époque où il fut retiré de la circulation et payé partie en or, partie en bons consolidés. À la même date de 1854, la dette intérieure (obligations et rente perpétuelle) montait à 400 millions, et dix ans plus tard à 500. C’est à ce moment, en 1865, qu’eut lieu la conversion de toutes les dettes intérieures en un fonds unique de 5 pour 100 appelé dette générale de l’empire, payable en medjidiés d’or en Turquie, en livres sterling à Londres, en francs à Paris ; le total s’élève à plus de 900 millions, dont 652 ont été appliqués à la conversion des anciennes dettes intérieures ; le reste, réservé pour de nouveaux besoins, fut émis à 50 francs. La dette générale 5 pour 100 se cote aujourd’hui à notre Bourse aux environs de 48 francs, le cours le plus bas a été en 1866 celui de 25 fr., et le plus haut, 57 francs, a été coté en mars 1873.

Cette dénomination de dette générale, cette facilité de paiement des intérêts dans les capitales de l’Europe, cette cote du 5 pour 100