Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

masse de petites tribus dont les chefs viennent une fois par an, à une époque déterminée, présenter leurs hommages au roi de Mandalay et faire ainsi acte de soumission. Les Shans s’adonnent à la culture plus que les Kakhyens ; il existe même chez eux un certain mouvement d’émigration vers la Birmanie anglaise, que les Anglais encouragent en autorisant le résident anglais en Haute-Birmanie à accorder vingt-cinq passages gratuits sur chaque bateau à vapeur postal descendant l’Irawady vers Rangoon. En effet, les bras font défaut au Pégou pour cultiver les terrains fertiles formés par le delta de l’Irawady. À Rangoon, une agence du gouvernement reçoit les émigrans, leur désigne des terrains et leur fait les avances nécessaires ; mais il est à observer que la plupart de ces Shans ne profitent pas de ces facilités, ils vont généralement d’eux-mêmes dans les villages où ils savent retrouver d’autres émigrans qui les ont précédés dans le pays, — Les Karenie ont fort peu de rapports avec le souverain de la Haute-Birmanie, dont ils ne relèvent que nominalement ; encore cette suzeraineté est-elle fort contestable. Ces régions sont parcourues par des missionnaires qui ne dépendent ni de l’évêque résidant à Mandalay, ni de celui établi à Rangoon ; c’est une mission spéciale composée de prêtres italiens.

Le pays des Shans et celui des Karenie ont été visités par un assez grand nombre d’explorateurs. Il suffit de rappeler les voyages entrepris en 1830, en 1834 et en 1857 par le docteur Richardson, ceux du major Mac Leod (1837), du major O’Riley (1855 et 1863), du capitaine Watson et du major Fedden (1864). En 1866, l’expédition française conduite par M. de Lagrée traversa aussi une partie du Laos birman. Aujourd’hui deux jeunes officiers français, les capitaines Fan et Moreau, dans un dessein purement scientifique, sont partis de Mandalay et explorent, en se dirigeant de l’ouest vers l’est, les pays birmans jusqu’à la frontière du Tonkin. Ils ne peuvent manquer de rapporter beaucoup de données intéressantes et compléteront les notions géographiques fournies par les nombreux voyageurs que nous venons de citer.

Disons maintenant quelques mots sur la situation commerciale de la Haute-Birmanie. Étant données d’une part cette ceinture de tribus sauvages qui entourent la Birmanie de l’ouest à l’est en passant par le nord, et de l’autre l’absence de bonnes routes dans l’intérieur du pays, on voit déjà que tout le mouvement commercial doit se faire par le sud et par la voie naturelle de l’Irawady, c’est-à-dire à travers les possessions anglaises. Toutefois certaines relations existent entre la Birmanie et la Chine par la route de Bhamo à Talifou. Il est en principe très naturel que les produits du sud-ouest de la Chine tendent à prendre la route de l’Irawady, plutôt que d’aller