Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/641

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et une énergie dignes d’une meilleure cause, et cependant, quels que soient l’enthousiasme religieux et l’esprit d’obéissance de ces braves gens, ils désirent fort un motif de rentrer chez eux et de voir la paix rétablie. On a dit que le pays basque était épuisé, cela n’est pas exact. La population y est très dense relativement à la superficie et répandue dans des fermes isolées. Ces fermes en général n’ont pas plus de 1 ou 2 hectares. Là-dessus une famille, souvent nombreuse, vit et paie une forte rente ; en réalité, le propriétaire tire de son capital un intérêt très minime, parce qu’avec ces 2 hectares de terre il est obligé de fournir une maison : il n’en est pas moins vrai que la culture doit être très perfectionnée pour arriver à de tels résultats, et suppose l’existence d’un nombreux bétail. Donc la viande, dont ils mangent d’ailleurs fort peu, ne leur manque pas, et, quant à la culture, elle se fait à peu de chose près comme si le chef de la famille n’était pas sous les armes, les femmes étant accoutumées de tout temps au travail des champs.

En vertu des privilèges de ces provinces, comme on n’y paie pas de contributions, tout le produit de la terre se répartit entre le propriétaire et le colon. Aujourd’hui, pour subvenir aux frais de la guerre, les carlistes sont obligés d’imposer fortement les populations des campagnes, à qui ils enlèvent en outre les bras les plus robustes. Ainsi en quelques endroits un fermier qui paie 250 francs à son propriétaire se trouve imposé par les carlistes à 15 fr. par mois, plus 15 autres francs pour le compte du propriétaire, mais avancés par le fermier ; il faut noter de plus tous les menus frais, tels que paiement des milices locales, sorte de garde nationale sédentaire, le logement, l’entretien des troupes en campagne. Est-il étonnant que ces pauvres gens appellent de tous leurs vœux la fin d’une guerre qui leur coûte de si grands sacrifices ? Les Basques espagnols n’iraient à aucun prix coloniser l’Espagne, où il existe des déserts aussi fertiles que ceux du Nouveau-Monde, car ils ne veulent pas renoncer aux fueros ; ils vont dans l’Amérique du Sud, l’excès de la population a établi l’émigration comme un courant régulier. Or depuis la guerre ce mouvement d’émigration s’est énormément accru ; tous les jeunes gens qui peuvent s’échapper passent l’Océan ; les carlistes en retour accablent d’amendes, de vexations et même de mauvais traitemens les pères et les mères des émigrans. Après la levée du siège de Bilbao, la lassitude se trahissait dans les rangs des soldats ; Elio dut faire paraître un ordre du jour, menaçant d’un conseil de guerre verbal quiconque parlerait d’une façon décourageante pour la cause carliste. Pressés dans Estella, beaucoup croyaient tout perdu et ne songeaient qu’à préparer leur soumission ; la mort du maréchal Concha leur a redonné confiance, mais pour un moment, et quelques succès des libéraux, importans