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abondent, et il y a des palmiers et des arbres appartenant aux familles dont les bouleaux, les saules, les érables, les noyers, sont choisis comme les types. Malgré l’imperfection des connaissances paléontologiques relatives à l’époque, la diversité des formes dans le règne végétal et dans le règne animal est assez grande pour donner l’idée d’un état de la nature sous de nombreux rapports comparable à celui dont plusieurs régions du globe offrent aujourd’hui le spectacle. Même dans des couches de la terre que les géologues s’accordent à regarder comme antérieures à la formation de la craie[1], on a trouvé des insectes fossiles ; les naturalistes n’ont pas hésité à les rapporter à des genres établis pour des espèces vivantes.

Les réflexions que suggère la période crétacée s’appliquent à la période jurassique ; les dépôts marins attestent une grande diversité parmi les mollusques et les poissons, les uns assez éloignés, les autres au contraire peu différens de ceux qui peuplent les mers à l’époque présente. Pendant cet âge vivaient les ichthyosaures et les plésiosaures. Au milieu des formations marines, des dépôts lacustres révèlent l’existence d’îles où s’élevaient des fougères, des sagoutiers, des cycas, des araucarias. Des crocodiles erraient sur les rivages, les insectes abondaient en ces lieux ; on a recueilli des empreintes de libellules, de punaises de bois, d’hyménoptères, de coléoptères de familles diverses.

Comme nul vestige de mammifères n’a été observé dans les plus anciennes couches de la terre, on a volontiers répété beaucoup trop vite que seuls des êtres d’organisation très simple avaient peuplé le globe pendant les premiers âges. Or dans le monde actuel se trouvent l’amphioxus, l’animal vertébré dont l’organisme est le plus imparfait, et les lamproies, qui occupent le dernier rang parmi les poissons. « Nécessairement, dit Agassiz, s’il y avait quelque vérité dans le transformisme, les plus anciens vertébrés connus seraient des êtres très imparfaits, au contraire ce sont des sélaciens et des ganoïdes[2], les plus élevés de tous les poissons par la structure. L’existence des sélaciens à l’aube de la vie, ajoute excellemment l’illustre professeur de Cambridge, est en contradiction avec un développement graduel et progressif ; ils abondent dans les couches palæozoïques[3], et ces formes fossiles sont tellement semblables aux représentans actuels du même groupe que ce qui est vrai de l’organisation et du développement des derniers est, sans contestation

  1. Les couches d’eau douce de Purbeck et les argiles de Weald.
  2. Les raies et les requins sont les types du groupe des sélaciens ; les esturgeons un des types de l’ordre des ganoïdes.
  3. Les plus anciennes couches renfermant des restes fossiles.