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dans la question qui nous occupe, car il demeure avéré maintenant qu’on n’est pas parvenu, malgré de grands efforts, à créer un type persistant, intermédiaire entre le lièvre et le lapin.

Nous ne songeons pas à citer les résultats des alliances de plusieurs mammifères d’espèces différentes, dont les produits se sont éteints dans les ménageries sans avoir eu de postérité. Il est au contraire d’un intérêt très réel de s’arrêter aux expériences qui ont eu pour objet la reproduction du chien avec d’autres mammifères du même genre. Les unions du chien et de la louve, du loup et de la chienne, ont été assez fréquentes pour être connues de tout le monde. Les chiens-loups sont féconds, on le sait ; Buffon a suivi quatre générations, issues d’un braque et d’une louve. C’est la fécondité la plus longue constatée chez les hybrides des deux espèces. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire a entretenu au Muséum d’histoire naturelle des métis de chacal et de la chienne pendant trois générations, et Flourens pendant quatre générations. La mort frappa dans le groupe des chiens-chacals ; les curieuses expériences s’arrêtèrent trop tôt pour être vraiment concluantes. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire pense que les métis placés dans de bonnes conditions auraient continué à reproduire ; peut-être a-t-il raison : les loges d’une ménagerie ne sont pas un séjour favorable pour les animaux. La fécondité des produits du chien et du chacal maintenue pendant plusieurs générations fournit un argument en faveur de la croyance couvent manifestée par des naturalistes et des voyageurs que le chacal est en réalité le chien sauvage. On est ici en présence d’une question pleine d’intérêt, car, nous l’avons dit, l’opinion que les chiens domestiques disséminés par le monde ont pour origine différentes espèces de chiens sauvages, loin sans doute d’être justifiée, n’est pas non plus dénuée de toute vraisemblance[1]. On regrette que tant d’obstacles s’opposent à la poursuite méthodique de recherches et d’expériences dont les résultats feraient la lumière sur un des importans problèmes de la zoologie et de la physiologie.

Les notions acquises sur les effets du croisement de mammifères d’espèces différentes sont faciles à résumer. La reproduction est impossible entre les espèces n’ayant pas une étroite parenté zoologique ; les unions sont fécondes, si les espèces sont très voisines ; mais en général les produits demeurent stériles ; — la stérilité néanmoins n’est pas absolue. Tout à fait exceptionnelle chez certains

  1. Le genre chien, canis des naturalistes, comprend, outre les chiens domestiques, les animaux sauvages qualifiés de loups et de chacals. les zoologistes distinguent plusieurs espèces de loups et de chacals. Le renard, dont on n’a jamais pu obtenir de reproduction avec le chien, est considéré comme le type d’un genre particulier.