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naïvement à son bienfaiteur, je n’ai plus rien à souhaiter en ce monde. »

Comment ne pas songer ici au Chactas des Natchez ? Le scrupuleux éditeur des mémoires de Malouet, qui a rassemblé avec tant de soin toutes les explications réclamées par son texte, nous fournit au sujet de Jacques des Sauts une curieuse indication littéraire. Montlosier, dans la partie encore inédite de ses Mémoires, raconte qu’à Londres, pendant l’émigration, on se réunissait souvent chez la princesse d’Hénin. « Là, dit-il, Delille lisait ses vers. Chateaubriand racontait ses voyages, Malouet parlait des colonies où il avait vécu.» Assurément, dans ses récits de la Guyane, Malouet n’a pas oublié Jacques des Sauts, et Chateaubriand à son tour n’a pas oublié le récit de Malouet. Le Chactas des Natchez fait pendant au centenaire de l’Oyapoc ; il est venu en France, il a été introduit à Versailles, il a vu Louis XIV, il a vu ses maréchaux, ses ministres, et il dit ses impressions à René l’Européen comme Jacques des Sauts a raconté ses souvenirs à Malouet. Seulement quelle différence de ton ! Comme la fiction ici est au-dessous de la réalité ! Chactas, — je parle toujours de celui des Natchez, — est bien plus étrange que poétique lorsqu’il nous peint à sa manière les personnages du grand siècle ; au contraire, rien de plus simple, rien de plus touchant que ce vieux soldat de Villars et de Catinat perdu dans les déserts de la Guyane. Aucune recherche, aucune antithèse entre l’ancien monde et le nouveau ; l’élève de Jean-Jacques n’a point passé par là. On n’a sous les yeux que la rude poésie des choses.

Malgré ces curieux épisodes, ce qui domine, on le pense bien, dans la première partie des Mémoires de Malouet, c’est le tableau des grandes affaires administratives. Le service de la marine et des colonies sous Louis XVI peut réclamer ici bien des pages qui lui font honneur. On ne s’étonne pas de rencontrer un d’Estaing, un Suffren, et à côté d’eux tant de vaillans hommes de mer, quand on voit l’ardeur d’un Malouet en tout ce qui intéresse l’action navale de la France ; il est impossible de ne pas sentir à cette date un souffle généreux, un principe de vie énergique et féconde. C’est de là qu’est sorti Cherbourg, et les historiens même les plus hostiles à Louis XVI n’ont pu lui en contester la gloire. Malouet, dans la mesure de ses fonctions, est bien le contemporain et l’auxiliaire de ces grandes choses.

En 1781, il est nommé intendant de marine à Toulon. Ce serait aux écrivains spéciaux de raconter les services qu’il y a rendus. Pour nous, trop étranger à ces détails, et qui cherchons surtout l’homme, le penseur, le sage, dans l’administrateur infatigable, nous ne signalerons qu’un épisode de son séjour à Toulon. Une