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chute de la monarchie de 1830, il rentrait dans la retraite pour n’en plus sortir, il redevenait l’historien, le philosophe, le penseur, consacrant au travail sa verte et infatigable vieillesse. De quelque façon qu’on juge le rôle politique de M. Guizot, dans son passage aux affaires, il aura été un des plus puissans athlètes du régime constitutionnel, une des lumières de son temps. Grande intelligence qui vient de s’éteindre ! grande carrière qui vient de se clore dans la sérénité d’une calme retraite !

ch. de mazade.


REVUE MUSICALE.

Les ouvrages de Meyerbeer n’ont jamais eu grand agrément à se produire sur la scène de l’Opéra-Comique. Quand le Pardon de Ploërmel fut représenté pour la première fois, le public jugea cette musique trop savante ; on la reprend aujourd’hui, et il la trouve vieillie. « Musique savante ! écrivions-nous ici même à ce sujet en 1859, que veut dire cela ? Mais toute musique digne de ce nom est savante, et il y a autant de science musicale proprement dite dans les Diamans de la couronne qu’il peut y en avoir dans le Pardon de Ploërmel. Seulement, pour le public de l’endroit, le motif galant et dansant de M. Auber a sur la phrase de M. Meyerbeer le rare avantage de pouvoir aisément être retenu. — Lorsque je donne trois heures de mon temps à l’audition d’un opéra, nous disait au sortir de cette première représentation un illustre personnage, je prétends en savoir le fond tout de suite et ne pas être obligé d’y revenir. — Musique savante ! À quels purs chefs-d’œuvre d’inspiration n’ai-je pas entendu appliquer cet anathème ridicule, quand je pense que cela s’est dit de la symphonie pastorale et de l’ouverture d’Obéron ! »

Rien ne serait donc plus facile que de réfuter cette double erreur, et de démontrer que le public d’aujourd’hui se trompe comme se trompait celui d’alors ; j’aime mieux donner tous les torts à Meyerbeer, lequel n’a que ce qu’il mérite. Qu’allait donc faire à l’Opéra-Comique l’auteur des Huguenots et du Prophète ? C’est une chose reconnue qu’en France l’art se divise et se subdivise à l’infini ; les Italiens, les Allemands, s’en tiennent à l’espèce, nous cultivons, nous, les variétés. Chacun de nos théâtres a son genre, chaque genre son public. Ce qui caractérise le public italien, c’est d’être un public dans la pleine acception du mot ; ce que lui apportent ses compositeurs et ses exécutans s’adresse à la population tout entière, qui de bas en haut approuve, critique ou condamne. On n’écrit point en Italie des opéras pour telle ou telle catégorie de spectateurs ; qu’il s’agisse de Semiramide ou de Cenerentola, du