Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/467

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment ; elle voit où ces prospérités l’ont conduite, elle se dit que cette résurrection impériale, à laquelle on ne craint pas de faire appel, ne pourrait qu’achever sa ruine. Lorsque les partis de toutes couleurs se livrent à leurs calculs et recherchent à tout prix, au risque de crises toujours nouvelles, le succès de leurs combinaisons, la France n’a qu’à regarder autour d’elle, à interroger les faits, pour être ressaisie par le sentiment de sa situation, pour être frappée de la bruyante impuissance de ceux qui prétendent la sauver. Les anniversaires, puisque anniversaires il y a, ont du moins cet avantage de rappeler sans cesse à la France qu’elle a désormais une œuvre nationale à poursuivre, qu’en dehors des prétentions, des rivalités des partis et même des formes de gouvernement, il y a le pays, que ce qu’il y a de plus simple, de plus patriotique, c’est de compléter, de consolider ce qui existe dans les conditions où l’on le peut sans se jeter dans des aventures nouvelles. Que faut-il pour cela ? Le sentiment toujours présent d’une situation difficile, un peu de bonne volonté et la décision d’esprits sincères.

On dit qu’au retour de son excursion récente en Bretagne, M. le maréchal de Mac-Mahon, complimenté sur le succès de son voyage, aurait répondu qu’il avait en effet reçu partout des marques de sympathie, qu’il ne tiendrait qu’à lui de se croire populaire, qu’il avait néanmoins compris ce qu’il y avait d’insuffisant dans un pouvoir sans organisation et sans institutions. Ce serait certainement la parole la plus sensée. Dans tous les cas, M. le président de la république n’aurait fait que confirmer ce qu’il a dit plus d’une fois, ce qui est son opinion évidente, écrite dans des communications publiques, dans des messages solennels. Tout récemment encore, non plus en Bretagne, mais à Lille, M. le maréchal de Mac-Mahon, complétant sa pensée, a témoigné l’intention de faire appel aux « hommes modérés de tous les partis » pour accomplir l’œuvre de patriotisme qui lui a été confiée par l’assemblée. C’est encore la libérale parole d’un chef de gouvernement s’élevant au-dessus de tous les antagonismes vulgaires. L’intention est parfaite ; qu’arrive-t-il cependant ? Lorsque ce n’est pas M. le président de la république qui exprime sa propre pensée, ce sont les préfets qui prennent la parole, et le langage qu’ils tiennent ressemble à l’expression d’une politique qui n’y regarde pas de si près. C’est M. le garde des sceaux qui va visiter une petite cité de Provence, sa ville natale, et qui croit résoudre tous les problèmes en invitant ses compatriotes à pousser « le cri qui est dans tous les cœurs ! » C’est fort bien, d’autant plus qu’il y a un « cri dans tous les cœurs » sous tous les régimes possibles. Malheureusement on n’est pas plus avancé. Ce qui apparaît assez distinctement, c’est qu’il y a souvent une sorte de contradiction ou de discordance entre les opinions qu’exprime M. le président de la république lui-même et le soin mis par d’autres à éviter de se prononcer, à résu-