Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/466

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

famille entre prélats allemands et chancelier allemand, qui se retrouveraient parfaitement unis, s’il ne s’agissait que de chanter le Te Deum et de sonner les cloches pour nos défaites.

Que les Allemands se réjouissent donc, qu’ils célèbrent leurs anniversaires, ils sont libres. Ils ont vu tourner à leur gloire des événemens dont le résultat a été presque aussi inattendu pour ceux qui en triomphent que pour ceux qui en souffrent. Ils ont eu des succès, ils les savourent, sans se défendre toujours des fumées capiteuses de la victoire ; ils saisissent toutes les occasions de se répéter à eux-mêmes qu’ils sont le premier peuple militaire de l’Europe, et pour un peu, en même temps qu’ils fêtent Sedan après quatre anuées, ils iraient déployer leur flotte dans le golfe de Biscaye, afin de prouver aux carlistes d’Espagne, aux carlistes seuls sans doute, qu’ils sont la première nation maritime de l’univers. Soit, nous n’avons rien à y voir, la France n’a ni à s’étonner ni à s’irriter de ces démonstrations, qui ne sont pas toujours exemptes de jactance. Sa manière à elle de célébrer ces douloureux anniversaires, c’est de savoir profiter de ce passé qu’on lui remet sous les yeux, de raffermir ses résolutions et de retremper ses forces dans ces poignans souvenirs au lieu de se laisser aller à une amertume inutile, ou d’opposer aux fêtes allemandes de médiocres et turbulens anniversaires du k septembre. Ce jour-là, il est vrai, l’empire a disparu, il est tombé sous le poids des désastres qu’il avait préparés et dont le pays a été réduit à subir les conséquences. Franchement, si à tout prix on veut voir là une victoire qui compense les victoires prussiennes, une occasion de pavoiser, d’illuminer, de se réunir autour d’une table de banquet ou de manifester, on n’est pas difficile, A quoi servent ces maussades tentatives ? Elles conduisent tout au plus à quelques scènes d’agitation dans un village, à des provocations contre des gendarmes obligés de se défendre le pistolet au poing ; voilà tout. Non en vérité, la France n’a point à célébrer le 4 septembre, qui se lie à ses défaites, pas plus qu’elle n’a réellement à s’indigner contre une révolution qui était l’irrésistible fatalité du moment.

Ce que la France a de mieux à faire, c’est de rester fidèle à elle-même, de s’éclairer de ce passé d’hier qu’on lui rappelle, dont on célèbre les anniversaires, pour chercher sa force dans une politique de patriotisme, la seule possible et efficace aujourd’hui. Que les victorieux se souviennent pour triompher, ils sont dans leur rôle ; les vaincus de leur côté ne peuvent que recueillir ces cruels enseignemens de la mauvaise fortune pour en garder la mémoire, pour s’en inspirer dans leurs actes, dans leurs tentations, au milieu des diversions futiles et des égoïstes compétitions des partis. Lorsque des candidats dans les élections en sont encore à évoquer les grandeurs et les prospérités de l’empire déchu comme une promesse pour l’avenir, la France se souvient nécessaire-