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ou d’objectifs de très grand diamètre est d’un intérêt capital pour le progrès de l’astronomie physique. Non-seulement l’éclat des images est proportionnel à l’ouverture, c’est-à-dire au diamètre de l’instrument, mais le pouvoir optique, ou la faculté de séparer deux points lumineux rapprochés, croît aussi en raison directe de l’ouverture. D’après Léon Foucault, pour pouvoir distinguer l’un de l’autre deux points dont la distance apparente est égale au dixième d’une seconde d’arc, il faudrait une ouverture d’au moins 1 mètre. Les deux Herschel, lord Rosse, M. Lassell, enfin la commission qui a surveillé la construction du télescope de Melbourne, ont donné la préférence aux télescopes à miroir métallique ; cette préférence est-elle justifiée ? Il est permis d’en douter. Les miroirs de verre argenté, auxquels Léon Foucault était parvenu à donner une si grande perfection, renvoient une proportion plus considérable de lumière que les miroirs de métal ; d’après les expériences de M. Wolf, un télescope à miroir argenté réfléchit les 80 centièmes de la lumière incidente, tandis qu’avec des miroirs métalliques on n’en peut utiliser que 40 pour 100, c’est-à-dire moitié moins. En outre, les miroirs en verre sont moins lourds, et il est facile de les argenter à nouveau quand la surface est ternie. Les miroirs de métal ont besoin d’être souvent repolis, ce qui n’est pas une mince besogne ; on en a fait l’expérience à Melbourne. C’est donc avec raison qu’en France on préfère aujourd’hui les télescopes du système Foucault. Enfin, pour tout dire, l’avenir est peut-être non pas aux grands miroirs, mais aux grands objectifs. En effet, à ouverture égale, une lunette munie d’un bon objectif l’emporte de beaucoup sur le télescope ; les grands réfracteurs de Dorpat et de Poulkova rivalisent avec des télescopes d’un diamètre double ou triple. Nous avons déjà vu qu’une lunette de 25 pouces a été réalisée par MM. Cooke et fils. L’Observatoire de Paris possède depuis 1855 un disque de flint et un disque de crown, dont les dimensions sont suffisantes pour faire un objectif de 75 centimètres (près de 30 pouces) de diamètre, et en 1868 la chambre a voté un crédit de 400,000 francs pour la construction de la lunette qui sera munie de cet objectif et pour celle d’un télescope de lm, 20 d’ouverture. Le miroir du télescope, dont le travail a été confié à M. Martin, est presque terminé ; la taille de l’objectif doit commencer prochainement. Ce sera le verre le plus puissant qu’on ait encore entrepris de tailler, et cette fois c’est la France qui aura devancé les autres nations. On peut espérer que ce ne sera pas le seul effort tenté pour faire refleurir chez nous l’astronomie pratique avec un éclat digne d’un glorieux passé.


R. RADAU.