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dans cette période nouvelle de sa carrière administrative, qui fera la matière d’une publication séparée que nous promet lady Minto. Rappelons seulement qu’en 1810 la conquête des îles Bourbon et Maurice et de Java par les forces navales de l’Angleterre se fit d’après les ordres et sous la direction de lord Minto. Il prit part à ces expéditions comme volontaire, et dans une occasion mémorable agit en qualité de commandant de la flotte anglaise. Cet acte de hardiesse lui fit décerner le titre de comte, qu’il fut le premier à porter dans sa famille.

En 1814, retournant en Angleterre pour y passer quelques mois de congé, lord Minto, prêt à mettre le pied sur le seuil de son home chéri, attendu chez lui par tous les siens, fut atteint en route d’un rhume dangereux. Il ne devait pas lui être donné de revoir les lieux vers lesquels, en quittant l’Inde, il s’était acheminé avec tant de joie, afin de goûter, comme il le disait lui-même, « le bonheur suprême de recevoir enfin le prix du sacrifice. »

Quand la mort vient à frapper un homme tout près d’atteindre au but de ses espérances, on demeure plus attristé que si sa vie eût été tranchée au milieu de sa carrière. N’est-ce pas cependant une grâce providentielle que d’avoir pu remplir toute sa destinée ? Si nous savions nous persuader que le devoir a plus d’importance que le bonheur, nous accorderions moins de regrets au brusque dénoûment des existences à la fois utiles et belles. Il nous semble que lord Minto, comme tous les caractères élevés, a dû, au moment suprême, ressentir une satisfaction précieuse à l’idée de la tâche accomplie, assuré qu’il était de ne rien laisser d’inachevé derrière lui et de léguer à ses héritiers un nom parfaitement honoré. Ainsi du moins avons-nous compris cette nature généreuse. Nous aurions aimé à l’étudier dans tout son développement, telle que nous l’ont fait connaître les documens mis au jour par lady Minto ; mais il nous a fallu forcément négliger ici les demi-teintes, les traits fugitifs, et mille détails familiers qui auraient donné tout son éclat et tout son charme à une mémoire singulièrement attachante. Il nous a été agréable de lui rendre justice, parce qu’effacée peut-être par de plus hautes renommées elle n’a pas jusqu’à présent été prisée à sa juste valeur.


C. DU PARQUET.