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beauté, mais elle se trompe. Son visage est admirable. Elle est toute nature et tout art, c’est-à-dire que ses manières sont parfaitement incultes, quoique pleines d’aisance, mais non de l’aisance de la bonne compagnie, — de très bonne humeur, voulant plaire à tout le monde, voulant que tout le monde l’admire. Douée d’une grande intelligence naturelle, elle a depuis son mariage acquis quelques notions d’histoire et d’art, et l’on est surpris de ce qu’il lui a fallu d’application et de travail pour devenir ce qu’elle est maintenant. Avec les hommes, son ton et sa conversation dépassent tout ce qu’on peut imaginer, et j’ai été confondu de ses manières, qui rappellent son origine, bien que je dusse y être déjà accoutumé par les dames napolitaines… L’autre soir, nous avons eu aux lumières des tableaux vivans. Lady Hamilton s’y est montrée sous un jour nouveau à mes yeux. Rien chez elle dans ses façons, dans son langage, dans sa personne, n’était fait pour annoncer le goût très raffiné qu’elle apporte à la composition et à l’exécution de ce spectacle, et outre cela, me disait lord Hamilton, elle a le talent de me confectionner d’excellens apple-pies. »


Après avoir été à Rome s’informer des dispositions de la cour pontificale, qui se préparait à une vaine résistance, sir Gilbert quitta Naples définitivement, et, sa mission terminée, il retourna en Angleterre avec l’amiral Jervis et le commodore Nelson. Ce fut durant ce trajet qu’il assista au combat célèbre du cap Saint-Vincent, « où Nelson, dit-il, se montra plus grand que les héros d’Homère. »


IV.

À son arrivée à Londres, sir Gilbert trouva les affaires de son pays en assez mauvais état, tant celles du dedans que du dehors. La plupart de ses amis étaient entrés dans l’administration, mais le ministère était profondément divisé sur la question de la réunion de l’Irlande et sur celle de la continuation de la guerre. Les finances étaient en souffrance ; un esprit de révolte avait gagné les populations et s’étendait jusque dans l’armée. Pour lutter contre tant de difficultés, il fallait l’habileté de Pitt. C’est le moment où lord Malmesbury fut envoyé en France en qualité de plénipotentiaire pour y traiter de la paix avec le directoire ; mais, ses propositions ayant été reçues avec une certaine insolence, ce que Burke appelait « la paix régicide » ne se fit point. Séparé de tous ses anciens amis par l’ardeur de ses convictions politiques, Burke s’éteignait alors dans un isolement presque complet. Près de sa fin, il se prêta toutefois à une réconciliation suprême. On connaît les détails de son entrevue avec Fox. Il revit aussi sir Gilbert, qui rend compte de cette dernière visite avec une émotion touchante.