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n’aspirait plus qu’à la retraite, lorsqu’il fut, presque malgré lui, nommé de nouveau par le bourg de Helstone. C’était le moment où éclatait la grande querelle de Burke et de Sheridan. On en connaît le motif et tous les détails. On sait comment, Burke s’étant exprimé violemment contre la révolution française, Sheridan, qui en avait embrassé les principes avec son enthousiasme accoutumé, lança contre lui « une philippique plus outrageante qu’aucune de celles qu’il avait jadis dirigées contre Pitt ou Dundas. » Nous trouvons dans une lettre de M. Elliot de Wells, cousin de sir Gilbert et son correspondant ordinaire en matières politiques, la révélation de certaines circonstances dont à notre connaissance aucun historien n’a encore fait mention, et dans lesquelles les deux personnages mis en scène sont représentés d’une manière assez vive.


« ….. O’Brien s’est rendu chez Burke en qualité de médiateur, et il a été convenu que Sheridan lui-même viendrait chez Burke à dix heures du soir, Burke dînait dehors, et, n’étant pas rentré exactement à l’heure du rendez-vous, il a rencontré dans Gérard-street Sheridan, qui s’en allait. Il est monté dans sa voiture pour se rendre avec lui à Burlington-house. En montant dans cette voiture, Burke avait donné la main à Sheridan, lui disant qu’il n’y avait rien de mieux à faire que de laisser voir au public que l’incident n’avait aucune suite. Toutefois, durant le trajet, Burke a compris que Sheridan essayait de justifier sa conduite en prétendant qu’il avait eu de bonnes raisons pour tenir un langage aussi vif. Cela a rompu toute négociation, et, bien qu’ils soient restés une heure et demie chez le duc de Portland, ils se sont quittés plus brouillés que jamais. »


Sir Gilbert se trouva dès lors un peu hésitant. Ce n’était pas la conduite à tenir qui l’embarrassait ; il souffrait uniquement du partage de ses sentimens, car, s’il approuvait la résolution qu’avait prise Burke de rompre avec la révolution française, il lui en coûtait beaucoup de se séparer des leaders de son parti, désormais divisé. Dans cette circonstance pénible, Burke, pour lequel sir Gilbert professe toujours la plus grande admiration, montra aussi l’estime qu’il faisait de ce précieux adhérent. En lui envoyant son pamphlet célèbre intitulé Réflexions sur la révolution française, il lui écrivait :


« Mon cher ami, je vous ai fait remettre un livre écrit dans une bonne intention. Si j’avais pu en le composant m’aider de vos conseils, il serait plus digne de vous être offert et plus utile à ceux à qui il est destiné… Si celui qui signe un nom bien doux à mon oreille quand il condescend à me défendre voulait se reporter à quelques-unes de mes déclarations publiques, peut-être y verrait-il que je ne suis pas inconsistant… Mais