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lorsqu’ils se produisent hors de propos. L’homme qui s’est peint dans les quelques phrases qu’on vient de lire se retrouve encore dans les lignes suivantes, que nous citons parce qu’elles portent l’empreinte de cette pompe passablement prétentieuse que Mirabeau se plaisait à mettre dans le billet le plus simple. Il vient d’assister à l’ouverture du parlement, au moment où l’affaire de Warren Hastings surexcitait les esprits.


« Mon ami, tu peux dire à M. Burke, écrit-il à sir Gilbert, que, placé à quatre pas de Mme Hastings, qui m’a beaucoup gâté la cérémonie peu imposante, et qui devrait être si auguste, de la rentrée du parlement, plein de ces robes rouges, qui, grâce aux diamans de la satrape, me paraissaient dégoutter de sang, je suis rentré chez moi, et qu’à l’ouverture de Pline l’Ancien j’ai trouvé ces mots que je le prie de ne pas oublier (suit une citation du portrait de Lolita Paulina qui peut être appliquée à la circonstance présente). Adieu, mon ami. Souviens-toi de me faire entendre M. Burke et M. Fox, de me faire connaître celui-ci et M. Eden, et surtout de m’aimer. »


Nous apprenons par lady Minto que, peu de temps avant sa mort, en 1791, Mirabeau avait envoyé hors de France ses papiers les plus importans, et les avait confiés à sir Gilbert, qui les a depuis rendus à la famille. Certes il aurait été curieux de connaître par la même voie les relations qui s’établirent à cette époque entre notre fougueux compatriote et les hommes d’état anglais, mais les détails que nous aurions aimé à trouver sur ce sujet font absolument défaut dans les volumes publiés par lady Minto. Toute l’attention de sir Gilbert et de ses correspondans est absorbée à cette époque par ces grands débats de l’impeachment, c’est-à-dire la poursuite devant la chambre des lords par la chambre des communes du vénal gouverneur des Indes, sir Warren Hastings. On sait que cette affaire n’a pas duré moins de huit années, et que les plus grands orateurs, s’étant partagé les faits de la cause, y firent assaut d’éloquence. À s’en rapporter à sir Gilbert, il semblerait que le discours de Sheridan ait été celui qui produisit le plus grand effet. La lettre par laquelle il en rend compte à sa femme est encore toute palpitante de l’émotion qu’il a ressentie.


« ….. Bien que la séance ait été levée vers une heure et que je fusse dans mon lit avant deux heures, je n’ai pu fermer l’œil un seul moment, non que je fusse malade, mais ce que je venais d’entendre résonnait encore dans mon cerveau. Sheridan a soutenu l’accusation, et a parlé cinq heures et demie avec une telle facilité et une telle rapidité d’élocution que son discours à le lire prendra probablement le double de ce temps. Vous pouvez juger par là de l’abondance des matières. Je