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les groupes d’individus appelés indifféremment espèces, et qu’il sépara nettement en espèces proprement dites et variétés, regardant à tort ces dernières comme le produit exclusif de la culture. D’ailleurs il ne sut pas distinguer les simples variétés, qui ne se conservent pas de graines, et les races, qui possèdent presqu’à l’égal de l’espèce, et sauf les accidens d’atavisme, la faculté de se perpétuer elles-mêmes par génération. Buffon, étudiant surtout les animaux domestiques, introduisit dans la science cette notion de la race[1]. Cuvier, de Candolle, reprirent en les précisant ces distinctions de l’espèce, de la race et de la variété, considérant la première comme le seul type primordial et permanent, la race comme une dérivation de l’espèce artificiellement conservée par les soins de l’homme, et la variété comme une modification de l’espèce à laquelle manque la fixité. Aux caractères de ressemblance et de filiation donnés par Cuvier comme attributs des espèces (races et variétés comprises), de Candolle ajoute comme un nouveau critérium la faculté de donner par fécondation des produits fertiles, tandis que les produits du croisement entre espèces seraient frappés de stérilité[2]. Devenues classiques dans la science, modifiées par l’adjonction des termes de variation, de sous-variation, pour les simples modifications individuelles, de sous-variété et de sous-race pour des subdivisions des termes correspondans, ces définitions ont fait longtemps et font encore partie du code de la botanique descriptive. On s’y est tenu dans la plupart des ouvrages, alors même qu’on en reconnaissait l’imperfection et qu’on avouait surtout combien il est difficile de marquer dans la pratique la distinction entre les divers groupes d’individus que représente chacun de ces termes.

Ce n’est pas tout en effet, dans une classification, que d’avoir préparé les cases dans lesquelles les êtres doivent entrer ; l’essentiel et le difficile, c’est de saisir les limites des soi-disant espèces, variétés, races, etc., en d’autres termes de caractériser chacun de ces groupes, de le définir et d’étendre ce travail de délimitation, tantôt, comme l’avait fait Linné, à la flore du monde entier, tantôt à des flores particulières et à des groupes de plantes traités en détail

  1. « Les races dans chaque espèce ne sont que des variétés constantes qui se perpétuent par la génération. » Buffon, Histoire naturelle, suppl., t. IX, p. 361.
  2. Voici cette définition classique de Cuvier : « l’espèce est la réunion des individus descendus l’un de l’autre ou de parens communs et de ceux qui leur ressemblent autant qu’ils se ressemblent entre eux, » Voici maintenant la définition donnée par de Candolle : « l’espèce est la collection de tous les individus qui se ressemblent plus entre eux qu’ils ne ressemblent à d’autres, qui peuvent, par une fécondation réciproque, produire des individus fertiles et qui se reproduisent par la génération, de telle sorte qu’on peut par analogie les supposer tous originairement sortis d’un seul individu.»