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à dégager des luttes confuses du sacerdoce et de l’empire la pensée d’un état autonome et laïque. Telle est la direction de la pensée civile en Italie, telle est la grande tradition nationale. Elle fit son explosion en 1848. Alors l’église fut menacée par l’autorité, non comme institution religieuse, mais comme état italien. Alors guelfes et gibelins, noms ignorés aujourd’hui, mais toujours vivans, se trouvèrent unis et fédérés pour la défense. Personne ne niera que les mots de ralliement acclamés par tous n’aient été ceux de patrie et de liberté ! Pour une nation ensevelie depuis tant de siècles dans le sein catholique, enfouie dans le triple monde clérical, le premier besoin était de vivre et de constituer une société laïque, politique et militante. L’honorable Buoncompagni m’a profondément ému en évoquant ces souvenirs de 1848, souvenirs qui sont ce qu’il y a de plus noble et de plus consolant dans ma vie ! Il a rappelé qu’avec les batailles de la guerre s’étaient engagées les batailles de la pensée, ayant pour but de défendre la liberté de l’église et la gloire nationale du pape. Je ne le nie pas, je puis ajouter que j’ai vu mes concitoyens courir aux armes, mourir avec le nom du souverain pontife sur les lèvres, que j’ai vu auprès des bannières tricolores improvisées l’image du pape rédempteur plantée sur les barricades comme sur un autel. Ces images reviennent à mes pensées chères et douloureuses comme les souvenirs d’un amour trahi. Hélas ! que sont devenues ces visions angéliques, ces flatteuses espérances ?»

L’opinion presque générale de la chambre est que le salut de la civilisation dépend de la séparation de l’église et de l’état, que l’Italie en l’établissant dans toute sa portée donnera un exemple solennel à toutes les nations, et elle aura bien mérité du genre humain. Déjà cette séparation a fait un pas immense ; la souveraineté temporelle du pape a été abolie. La politique étant ainsi séparée de la religion et l’action de l’état circonscrite dans la défense de l’ordre et de la vie des citoyens, la conduite que devra tenir le gouvernement sera toute tracée d’une manière simple et irrévocable. Elle est comprise dans ce seul mot : abstention.

Un député a soutenu que, dans le cas où le pape actuel cesserait de vivre, le gouvernement italien ne devrait pas tenir une conduite différente lorsqu’il s’agirait de lui donner un successeur. Prévoyant le cas où le choix des cardinaux tomberait sur un pape libéral, un nouveau Ganganelli, un Lambertini, un pape enfin qui, unissant la bonté du cœur à la fermeté du caractère, tiendrait en bride les jésuites et le jésuitisme, et se conformerait uniquement aux doctrines de l’Evangile, il a prétendu qu’alors la conciliation entre l’église et l’état serait facile ; mais aujourd’hui il n’y faut pas penser. L’instruction que donnent les séminaires est plus que médiocre, l’éducation