Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/351

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ont besoin, avant tout, de faire apprendre un métier à leurs enfans. Il faut qu’ils produisent et qu’ils produisent de bonne heure. C’est leur faire perdre un temps précieux que de les envoyer aux écoles. Avant de déclarer l’enseignement primaire obligatoire pour tous, il faudrait s’assurer que les écoles sont, assez nombreuses, les maîtres suffisamment instruits, et les communes assez riches pour faire les frais de l’instruction primaire et se passer d’une rétribution ; il faudrait trouver sur-le-champ 15,000 instituteurs et fonder 15,000 écoles nouvelles. Le ministre créera facilement une caisse ; mais il trouvera moins facilement les fonds pour l’entretenir.

On a fait observer que dans les dix années précédentes le nombre des écoles s’était accru dans une proportion surprenante, sans que les familles eussent été contraintes d’y envoyer leurs enfans. Les écoles élémentaires publiques et privées étaient en 1862 au nombre de 28,490, en 1872 de 43,380 ; les élèves qui les-fréquentaient étaient en 1862 au nombre de 801,202, en 1872 de 1,717,351 ; les instituteurs et les institutrices, qui en 1862 étaient au nombre de 28,173, étaient en 1872 de 43,505, de sorte qu’en dix années les écoles se sont accrues de 14,890, les maîtres de 15,331 et les élèves de 916,179. Les écoles du dimanche et celles du soir, très rares en 1862, avaient en 1872, les premières 5,000 maîtres et 150,000 élèves, les secondes 11,000 maîtres et environ 400,000 élèves.

Cette splendide et pacifique victoire sur l’ignorance avait été remportée sans qu’on eût eu besoin de recourir à cette contrainte légale que l’on doit considérer comme portant atteinte aux droits et à l’indépendance des familles. « Supposons, ajoutait-on, qu’en 1877 la loi ait produit son effet ; nous aurons 50,000 écoles au lieu de 38,000, et 4 millions d’élèves au lieu de 1 million 1/2 ; mais où trouvera-t-on les instituteurs et les institutrices ? Quel sera le degré de leur instruction et que vaudra l’enseignement ? »

MM. Scialoja, Correnti, Cairoli, ont répondu à ces objections. S’il faut respecter la liberté du père de famille, on ne doit le faire que dans les limites de la justice et de l’utilité sociale. L’ouvrier ne peut considérer son enfant comme un outil qu’il brise, si cela lui convient ; il ne lui est pas permis de tuer l’intelligence de son enfant. D’ailleurs la loi de 1859 et le code civil imposent l’obligation de l’instruction. L’état a récemment fait disparaître par son utile intervention le trafic honteux, déshonorant pour l’Italie, dont étaient l’objet de malheureux enfans livrés par leurs parens eux-mêmes pour être transportés à l’étranger, où ils couraient les rues en mendiant au profit de leurs indignes acheteurs ! Son ingérence n’est donc pas tout à fait inutile. Forcer les pères à faire instruire leurs