Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/348

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Italie au niveau de celui des autres nations européennes, et pour combattre la profonde ignorance où étaient plongées les populations des provinces annexées au Piémont, surtout celles de l’ancien royaume de Naples. M. Matteucci comptait, sur 1,000 individus, 350 illettrés dans le Piémont et la Lombardie, 470 dans l’Emilie, la Toscane, les Marches et l’Ombrie, 802 dans le royaume de Naples et de Sicile. La proportion pour les femmes était bien plus effrayante : 450 sur 1,000 dans le Piémont et la Lombardie, — 593 dans l’Emilie, la Toscane, les Marches et l’Ombrie, — 938 dans le royaume de Naples et de Sicile, c’est-à-dire 94 pour 100.

À la même époque, le nombre des écoles et des enfans de cinq à dix ans qui fréquentaient ces écoles était évalué comme il suit :


Provinces. Population. 1 école pour
Piémont et Lombardie 7,106,211 habitans. 521 habitans.
Marches, Ombrie, Emilie, Toscane. 5,338,149 habitans. 1,407 habitans.
Naples et Sicile 8,778,980 habitans. 2,484 habitans.


Provinces. Enfans des deux sexes. Enfans à l’école. 1 enfant à l’école pour
Piémont et Lombardie 747,083 547,432 13 habitans.
Marches, Ombrie, Emilie, Toscane. 620,164 127,654 42 habitans.
Naples et Sicile 977,846 120,260 73 habitans.

M. Natoli avait constaté en 1855 que dans la Basilicate 912 habitans sur 1,000 étaient complètement illettrés.

Comment les Italiens ne se seraient-ils pas estimés heureux d’être délivrés d’un régime qui n’avait fait reposer son autorité que sur la grossière ignorance où il laissait croupir les populations ? Le mal causé par la politique imprévoyante et fausse des gouvernemens qui supposent que les peuples les moins éclairés sont les plus faciles à gouverner ne pouvait être combattu que par une intervention active et infatigable du gouvernement nouveau. Abandonnées à elles-mêmes, ces riches et fertiles provinces qu’habitaient des populations intelligentes, mais incapables de faire le moindre effort pour sortir de leur torpeur traditionnelle, auraient été pendant de longues années plongées dans l’ignorance, et l’instruction populaire aurait couru risque d’offrir longtemps à la statistique des chiffres tout aussi affligeans. Le gouvernement, en créant partout des écoles au nom de la société laïque devenue prépondérante, n’a pas eu seulement à encourager partout les efforts de l’initiative privée ; il lui a fallu soutenir une lutte obstinée contre le clergé, qui a considéré comme une usurpation criminelle, comme une violation de ses droits, les prétentions de l’autorité civile, déterminée à prendre désormais en main la direction de l’instruction publique.