Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/335

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étendus sur les bancs de l’arrière. À ces rudes épreuves, que tous ambitionnent, plusieurs ne peuvent résister. Pour y mettre un terme et revenir honorablement, il faut convoyer une prise. Doit-on s’étonner si dans l’ardeur de la jeunesse quelques erreurs sont commises ?

À ce service d’une rigueur extraordinaire, on substituerait la croisière par chaloupes à vapeur, ayant peu de tirant d’eau, pouvant suivre les barques arabes dans les criques et naviguant contre vent et mousson. Cette organisation ne paraît pas cependant réalisable ; où trouver le charbon nécessaire ? Le plénipotentiaire anglais, signalant le mal, n’a peut-être point suffisamment étudié le remède que la nature des lieux permet d’y apporter. Sa juste appréciation des choses reparaît quand il propose l’établissement d’une ligne à vapeur desservant Zanzibar. Un des titres de gloire de la Grande-Bretagne est de forcer la civilisation par le commerce, c’est-à-dire par le mutuel intérêt. Le pays, essentiellement industriel, trouve partout des débouchés en même temps qu’il demande aux contrées de produit les élémens premiers qu’il transforme. Le commerce est assuré par une communication régulière et rapide. Désormais la côte entière d’Afrique, de Gibraltar au Cap, du Cap à Port-Saïd, de Port-Saïd à Gibraltar, est divisée en escales par les lignes de paquebots anglais. Des subventions du gouvernement viennent en aide au début ; bientôt après les compagnies trouvent des ressources dans leur exploitation. Des comptoirs se forment là où des habitudes commerciales ont fait naître un courant d’affaires. Les plages hantées se peuplent, et à chacune d’elles les indigènes viennent à jour fixe apporter leurs denrées et recevoir en échange les cotonnades, les articles européens qu’ils envoyaient chercher au loin. Ces transformations s’opèrent sous le pavillon de la Grande-Bretagne ; elles sont plus efficaces qu’une expédition armée qui ne représente que la force, et n’inspire même pas la crainte à des peuplades que quelques heures de marche dérobent à toute atteinte. Ce commerce, soutenu par les lignes à vapeur, est pour le pays une cause de prestige et de puissance. En outre ces passages constans de navires amènent la surveillance de la côte et apprennent aux habitans qu’il leur suffit de produire. Déjà la zone étroite de terres cultivées au bord de la mer voit se développer le rendement. Les indigènes comprennent que la valeur de l’homme est attachée au travail qu’il fournit sur place, et non au prix que son maître peut en obtenir en le vendant.

Après avoir indiqué brièvement l’opportunité d’organiser les lignes de paquebots, qui fonctionnent en effet actuellement, sir Bartle revient aux moyens plus directs de combattre l’esclavage. « Un des meilleurs, c’est l’établissement de colonies d’affranchis en terre