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L’ESCLAVAGE À ZANZIBAR

Dans les derniers mois de l’année 1870, un reporter d’un grand journal américain, M. H. Stanley, arrivait à Zanzibar, annonçant l’intention d’entreprendre un voyage dans l’intérieur de l’Afrique. Il prenait rapidement ses mesures et traversait en janvier 1871 le canal qui sépare l’île de Zanzibar de la côte. Continuant ses préparatifs d’organisation à Bagamoyo, village où se forment les caravanes, il se mettait en route au mois de mars. Ses projets, son plan de campagne, n’étaient point connus ; il n’en avait fait part à personne. Le chemin qu’il suivait était celui que prennent habituellement les commerçans arabes ou souahélis allant recueillir l’ivoire du Niamouesi ou de la région des lacs. Cette partie déjà explorée ne pouvait offrir l’attrait d’une découverte. La préoccupation du voyageur paraissait être surtout d’arriver vite, et il ne devait pas tarder à reconnaître que son impatiente ardeur, inquiétant ses hommes, devait avoir au début un résultat tout différent de celui qu’il attendait. Les noirs, libérés ou non, qui s’engagent comme porteurs dans un pays où l’on ne peut employer les animaux de charge, succombaient ou l’abandonnaient, les domestiques européens mouraient, les chevaux, qu’il s’était obstiné à prendre pour montures malgré les avis de tous, étaient tués par les tsetsé, mouches dont la piqûre est mortelle, et du reste dans les fourrés épais, dans les sentiers sinueux où l’homme se courbe en passant, les chevaux n’eussent été qu’un embarras. Ces renseignemens venus successivement concordaient assez avec l’impression qu’avait laissée M. Stanley. C’était un homme hardi, énergique, ne doutant de rien, peu disposé à solliciter ou à accepter les conseils de l’expérience, ignorant les mœurs, s’étonnant de tout, incapable, après un court séjour, de distinguer la vérité dans les exagérations, aussi surpris d’un fait avéré que d’un récit imaginaire, et finissant par opposer à toutes les observations une réserve ironique. Il lui manquait la connaissance que donne une première épreuve. Cependant tout le monde comprenait que cet homme