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eu l’imprudence de rédiger ou de recevoir, sa majesté… a résolu d’en punir les auteurs et complices, etc. »

Il est bon de dire que tout n’était pas imaginaire dans ces créations illicites, et que la forme même en avait été empruntée aux contrats passés entre fermiers-généraux. L’usage s’était introduit parmi eux de bons pour les places qui pourraient vaquer. On obtenait du roi un bon pour la première place vacante, pour une moitié, un tiers, un quart ; mais le roi conservait toujours son initiative, et s’il existait des cessions de bons par suite d’arrangemens privés, ce ne pouvait être que de son consentement et sur une enquête indiquant le motif de la substitution demandée. Les arrangemens que condamnait l’arrêt et que poursuivaient les officiers de police ne pouvaient donc qu’être illusoires et frauduleux, car, si les places des fermiers-généraux étaient obtenues par la faveur, la dignité du gouvernement et les formes de concession du bail ne pouvaient permettre d’y introduire les premiers venus. Le corps se recrutait le plus ordinairement d’anciens fermiers des baux précédens et d’employés supérieurs des finances en cas de décès ou de retraite des titulaires. C’est ce qui eut lieu pour le bail dont J.-B. Mauger fut le prête-nom et qui reproduisait presque tous les mêmes adjudicataires qui six ans auparavant avaient consenti au bail de Salzard. La compagnie était alors composée de 45 membres dont 3 honoraires.

Ce bail d’ailleurs n’eut pour ainsi dire pas d’existence. Il faut à la perception de l’impôt une sanction qui bientôt va lui manquer. Toutes les anciennes formes sont frappées de désuétude, c’est un nouveau pouvoir qui sera l’instrument d’une sanction plus efficace. Le 29 décembre 1786, le roi annonce l’intention de convoquer les notables, et la première séance de cette assemblée a lieu le 22 février 1787. Voilà les juges que le roi se donne sans savoir où le conduira ce pas hasardeux. C’est un duel qui commence entre la nation et lui, et qui ne sera pas longtemps un duel à armes courtoises. C’est également une amende honorable du passé, dont aucune institution ne sortira intacte et où le roi, comme expiation, laissera sa tête. Déjà dans cette assemblée des notables les griefs principaux se produiront et donneront lieu à des sentences sommaires. L’état des finances surtout répand sur le débat une ombre désespérante ; on sent le poids d’un déficit chaque jour aggravé, et Calonne, qui ouvrait l’assemblée au nom du roi, ne dissimula ni l’étendue de la plaie ni la profondeur du mal ; c’était la banqueroute à bref délai. À quels expédiens recourir encore ? L’emprunt ? Les marchés du crédit, fort restreints alors, s’étaient fermés un à un pour la France. L’impôt ? On l’avait surmené jusqu’à épuisement : les sources en étaient presque taries. Tout cela, d’après