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les déchaînemens. Une seule éclaircie est à noter, c’est quand Necker arrive aux affaires.

Necker n’y arrivait pas au dépourvu ; il avait les mains pleines de projets, des idées générales et des idées personnelles : il avait réussi comme banquier, personne ne mettait en doute qu’il ne réussît comme ministre. Petits et grands croient en lui, on dirait qu’il porte la fortune de la France. Il a toutes les qualités qui imposent à la foule : il disserte, mais en même temps il agit, avec l’abbé Terray il reprend l’idée des rentes viagères, fonde la loterie royale, substitue le crédit de la banque et le sien propre à celui des financiers, cherche à habituer la France au régime des emprunts et tente du même coup la réforme de l’administration ; enfin, pour rester dans notre sujet, il essaie de donner à la ferme-générale un moule nouveau, une façon qui la rapproche des mains et du patronage de l’état. Le temps a fait son œuvre ; cette perception un peu élémentaire de l’impôt a porté les fruits qu’elle devait porter ; il y a eu des plaintes, des procès, et on a plaidé sur toutes les matières qui sont du domaine de la fiscalité, droits d’aides, de contrôle, grandes et petites gabelles, monopoles. Bien mieux, toutes les juridictions ne se sont pas montrées favorables au fisc, et la cour des aides entre autres s’est souvent prononcée contre les prétentions des fermes et les actes abusifs des fermiers. Sur certains points, un cri d’indignation s’est même élevé contre l’excès des peines, entre autres celles qui frappaient la fraude du sel et du tabac. Il y a donc là une série de griefs qui, s’accumulant avec les années, en étaient arrivés à une fermentation qui ne permettait plus de les tenir en oubli.

C’est à quoi répondit la vigilance de Necker quand, en 1780, il s’agit du renouvellement du bail de Nicolas Salzard, qui avait succédé à Laurent David. Salzard avait obtenu sa concession pour 122,900,000 livres ; ce fut pour Necker l’occasion de refondre la ferme-générale sur un plan nouveau se résumant en quelques principaux traits. Il divisa l’administration financière en trois compagnies, ferme-générale, régie, domaines. En attribuant à chacune les perceptions du même genre, il réduisait les frais qui avaient fait la fortune de sous-traitans et qui étaient devenus une charge écrasante pour le peuple. Voici comment se partageaient ces élémens reconstitués : la régie, chargée des droits sur les boissons, fut confiée à 25 régisseurs-généraux, — les domaines furent placés sous les ordres de 25 administrateurs, — enfin la ferme-générale eut dans ses attributions les droits d’entrée et de sortie des marchandises et les privilèges exclusifs maintenus ou à maintenir tant aux frontières du royaume qu’aux barrières de la capitale. Entre temps les fermiers furent réduits de 60 à 40 ; les adjoints supprimés obtinrent la plupart des places dans la régie et dans les domaines.