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rales et locales, la ferme du tabac, la régie des droits à l’entrée, à la sortie et à la circulation des marchandises dans le royaume, les entrées de Paris, les aides du plat pays et des salines, en un mot les principaux élémens de nos contributions indirectes et de nos droits de douane. Ces services employaient une véritable armée de fonctionnaires supérieurs ou subalternes, commis et soldats, placés sous les ordres de directeurs provinciaux et obéissant à une discipline à la fois militaire et civile. Certaines immunités leur étaient accordées, et à peine avaient-ils à supporter une légère capitation. Exempts de tutelle, curatelle, collecte, logement de gens de guerre, guet et garde, les préposés de la ferme pouvaient porter l’épée et autres armes ; ils formaient une portion de la force publique. La hiérarchie était d’ailleurs régulièrement constituée. Les directeurs provinciaux dépendaient de la direction-générale, composée d’un certain nombre de directeurs, receveurs, inspecteurs et liquidateurs généraux. Au-dessus de ces états-majors étaient les fermiers, constitués par bureaux et ayant chacun des attributions définies. Un d’entre eux, chargé de la feuille des emplois, travaillait avec le contrôleur-général, qui avait, au nom du roi, la haute main sur ces agens de tout grade. Les assemblées des bureaux se tenaient tous les jours, excepté le samedi.

Comme on le pense, cet ensemble de services occupait çà et là de vastes emplacemens. En province, on avait assigné aux fermes les hôtels que la grande noblesse laissait vacans et qu’on prenait à bail quand ils n’étaient pas à vendre. À Paris, les fermiers étaient en même temps propriétaires des locaux qu’ils occupaient. Le principal était établi rue de Grenelle-Saint-Honoré, dans une enceinte qui, malgré des changemens successifs de destination, conserve encore le nom de Cour des Fermes, et avait entrée et sortie sur les rues de Grenelle et du Bouloi. Les bureaux mêmes de la ferme-générale tiraient de leur origine un certain caractère de grandeur. Ils avaient été bâtis par Ledoux, architecte du roi, sur l’emplacement de l’hôtel de Soissons, habité plus tard par le président Séguier, qui, à la mort du cardinal Richelieu, y recueillit les membres de l’Académie française. Reconstruit, dans cette seconde période, par Androuet Du Cerceau, il avait été enrichi de décorations nouvelles, entre autres dans la salle des séances, dont les plafonds mythologiques représentaient Minerve et Bellone. De l’ancien hôtel, il ne restait alors debout que les médaillons de la façade, où le chiffre du comte de Soissons s’entrelaçait à celui de Catherine de Navarre, sœur de Henri IV, et la chapelle restée intacte et qui était l’ouvrage de Vouet, de Lebrun et de Mignard. C’était Lebrun également qui avait orné la galerie où se réunissait l’Académie française avant qu’elle se fût transportée dans les dépendances et sous la coupole du palais Mazarin,