— À la Tchorna-Hora[1], répondit affectueusement celui-ci.
— Permettez-vous que je vous accompagne ?
— Oui, Minda, dit le haydamak avec une douce autorité, tiens-toi prêt.
En un clin d’œil, le petit disparut, et à son tour rentra la jeune femme avec une bouteille de paille remplie de gorilka[2], un grand pain noir, un baril de brindza[3] et du beurre frais sur un plateau.
— Faites-moi la grâce de vous asseoir, dit le maître du logis d’un air noble et hospitalier. — Quand nous eûmes pris place autour de la table, il remplit une petite coupe, et dit : — Longue vie à nos chers hôtes ! — Puis, ayant bu, il lança les dernières gouttes au plafond par un mouvement d’une majesté inimitable.
Le silence s’étant rétabli, mon attention fut attirée par de petits cris plaintifs au-dessus de ma tête. Un hibou gris-d’argent était sorti de quelque recoin de la toiture et se promenait lentement, tel qu’une sentinelle, sur la poutre enfumée qui soutenait la charpente ; de temps en temps, il balançait la tête, les yeux à demi clos, et nous regardait en clignotant.
— Eh bien ! Mikolaï Obrok, dit mon cosaque, ne croyez-vous pas qu’il soit temps de seller les chevaux ?
— Et ne trouverons-nous pas l’occasion de tirer quelques coups de fusil ? demandai-je. Je vous donnerais en ce cas de ma poudre anglaise.
— Naturellement nous en tirerons, dit le haydamak. Vous avez donc de la poudre anglaise, mon petit seigneur, de la poudre bien fine ? Je vais m’apprêter, si vous le souhaitez.
— Et moi j’irai voir nos chevaux, fit mon cosaque en sortant de la cabane.
— Pourquoi votre demeure est-elle aussi écartée de toutes les autres, Mikolaï Obrok ? demandai-je encore. Recherchez-vous donc la solitude ? — Il garda le silence. — N’aimez-vous donc pas les hommes ?
— Je ne les hais pas non plus.
— Est-ce là votre femme ?
— Non.
— Et le jeune garçon est-il votre fils ?
— Non.
Il nous salua en baissant gravement la tête et alla se vêtir dans la komora.
— Ce vieillard sera-t-il de force à nous conduire ? dit le professeur.