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en recueillir les avantages. Ils sont véritablement singuliers avec leur vigilance jalouse de sentinelles faisant la garde autour d’une situation qui leur échappe de toutes parts. Ne le voient-ils pas ? Ils n’ont pu dépasser une minorité presque ridicule dans les dernières élections de la Nièvre, ils sont arrivés jusqu’à 8,000 voix sur 75,000 votans dans l’élection du Calvados. Et c’est pour réserver l’éventualité dont ces chiffres sont la trop significative expression qu’on se plaît à laisser toute une nation dans l’attente d’un régime plus défini !

La dernière illusion de ceux qui voient le danger sans pouvoir se résoudre à l’attaquer de front, c’est de se figurer qu’ils suppléeront à tout, qu’ils feront face à tout par l’organisation d’une sorte de régime tout personnel. Le septennat, c’est le maréchal, dit-on ; qu’on arrange un gouvernement pour le maréchal, cela suffit. Depuis six mois, on tourne autour de cette idée, qu’on ne paraît pas avoir abandonnée. Arrivera-t-on à trouver la solution du problème ? Dans tous les cas, une combinaison de ce genre ne serait qu’un expédient de plus, et un expédient aussi périlleux qu’inefficace ; elle ne ferait que perpétuer justement cette situation dont les bonapartistes sont seuls à profiter. Ne s’aperçoit-on pas que ce serait donner raison à leurs idées et laisser la carrière ouverte à toutes leurs espérances ? Ainsi voilà un demi-siècle que la France, victime de toutes les dictatures, est à la recherche de garanties publiques, d’institutions libérales. Pendant vingt ans, elle a subi les mortels effets d’un régime personnel dont la guerre de 1870 a été le dernier mot, et tout ce qu’on aurait à lui offrir comme remède, comme palliatif, comme idéal dans ses misères présentes, ce serait encore une fois le gouvernement personnel ! Nous savons bien ce qu’on veut dire : ce serait un gouvernement personnel honnête, se soumettant de lui-même au contrôle, à l’autorité de l’assemblée. Eh bien ! alors ce serait un pouvoir sans indépendance, perpétuellement placé entre des impatiences de dictature contenues et une subordination énervante à une souveraineté parlementaire sans responsabilité. On nous permettra d’aller plus loin : cette situation sans garantie, sans sûreté pour le pays, serait peu digne de M. le maréchal de Mac-Mahon lui-même. Elle lui créerait plus d’embarras et de dangers que de facilités de gouvernement. Un journal anglais rapportait récemment une conversation déjà ancienne, datant des années florissantes de l’empire, où M. le maréchal de Mac-Mahon aurait dit qu’il n’était « ni bonapartiste ni légitimiste, » qu’il était avant tout « soldat-et Français. » Certes c’est là une patriotique inspiration, c’est en peu de mots presque un programme de circonstance ; mais, pour réaliser ce programme, un homme, si honorable qu’il soit, ne suffit pas, surtout lorsqu’il est brusquement transporté des camps dans la politique. Il faut autour de lui un ensemble d’institutions, de lois générales, régularisant, coordonnant l’action de tous les pouvoirs, en un mot cette organisation dont M. le