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qui repose sur une statistique aujourd’hui parfaitement établie pour les pays d’Europe, peuvent éveiller les susceptibilités les plus ombrageuses. Si les faits admis par tel savant ne sont pas rigoureusement exacts, le congrès offre une belle occasion de les rectifier. S’il est pénible pour les Hongrois par exemple d’entendre proclamer qu’il n’y a que 5 millions de Magyars environ contre 16 millions 1/2 de Slaves en Autriche, s’il est importun pour les 40 millions d’Allemands de voir constater qu’il existe 60 millions de Slaves, alors il faut cacher les belles cartes ethnographiques que la Russie, l’Autriche et la Prusse elle-même ont coloriées chacune en étendant un peu trop peut-être la teinte plate qui désigne la race qu’on avait intérêt à voir prédominer.

Il est à regretter que l’on n’ait pas ajouté au même programme quelques questions sur l’histoire de la géographie ; on reconnaît à cette lacune que M. d’Avezac n’a pas assisté aux séances de la commission. L’auteur du mémoire sur Aethicus et de tant de travaux sur les découvertes des navigateurs des XVe et XVIe siècles, et sur les rares témoignages qui nous en restent, aurait pu mieux que personne enrichir le programme du quatrième groupe : l’on eût été assuré que tous les problèmes de ce genre dont il n’a pu donner lui-même la solution eussent été bien réellement les desiderata de la science. Habitué à creuser les questions qu’il traite, à y revenir sans cesse, exigeant pour lui-même au-delà de ce qu’on peut dire, M. d’Avezac a toujours été fort éloigné d’aborder les périlleuses tâches des grandes publications et des travaux de longue haleine. Il n’a jamais songé par exemple à assumer sur lui la lourde entreprise d’écrire une histoire générale de la géographie. L’homme que des qualités différentes, mais non moins louables, désignaient pour cette œuvre utile de vulgarisation, M. Vivien de Saint-Martin, était le seul peut-être que l’étendue de ses connaissances mît à même de nous exposer en un seul volume l’histoire des découvertes, des systèmes et des progrès de la science géographique depuis Homère jusqu’à nos jours. En effet, M. Müllenhoff, de Berlin, — qui par ses notices sur l’empire d’Auguste, puis par ses études sur les peuples barbares de la Germanie, et surtout par son premier volume des Antiquités allemandes, a su conquérir le titre de successeur des Mannert, des Ukert et des Forbiger, disons mieux, M. Müllenhoff, qui est à cette heure le vrai représentant de la géographie historique en Allemagne, — s’est borné jusqu’à ce jour à l’antiquité classique. Quoique le titre de ce premier volume semble nous introduire dans le moyen âge, il ne faut pas s’y tromper, il ne traite guère que de Festus Avienus et de Pythéas de Marseille, qui vivait au IVe siècle avant notre ère, et, à moins que, par une exagération comique du système bien connu des revendications allemandes,