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Il y a plus de trente ans que Rossi gourmandait à cette occasion l’insouciance de la diplomatie. « Tout paraît indécis, disait-il, arbitraire, mobile comme les événemens, comme les intérêts, comme les opinions et les vues de ceux qui président aux transactions politiques des grands états. En un mot, le droit des gens en est encore aux misères de l’empirisme. » Or rien n’est changé. Aujourd’hui comme alors, comme toujours, un conflit vient-il à éclater, l’embarras consiste à trouver une règle qui s’y puisse appliquer, et, comme elle n’existe point, comme elle ne peut être déduite que des faits et gestes de la diplomatie dominante, il ne s’agit de rien moins que de créer cette règle pour la circonstance. Alors on croirait assister à ces discussions juridiques des siècles passés, où Tacite et les pères de l’église, Horace et la Genèse, servaient à résoudre les questions de paternité, de succession ou de mitoyenneté. Ainsi se tranchent encore beaucoup de difficultés internationales à propos desquelles Grotius et Vattel sont renforcés de Cicéron. Veut-on expliquer comment telle ou telle immunité appartient à un ambassadeur ou aux gens de sa suite, on cite un fait qui s’est passé en Angleterre, en Hollande ou en France il y a deux cents ans peut-être, et ce fait, rapporté par Pufendorf, Wicquefort ou Barbeyrac, sert de loi pour peu qu’il concorde avec l’espèce. S’agit-il par exemple d’établir la franchise dont jouissent les hôtels des ambassadeurs, nous ouvrons Merlin, qui, sur la foi de Wicquefort, invoque le fait suivant : « le 21 mai 1649, un officier de l’élection de Paris, accompagné de gardes et de commis de la ferme, voulut pénétrer dans la loge du suisse de l’ambassadeur de Hollande, soupçonné de vendre du tabac râpé, et fut repoussé avec éclat. Plaintes de l’ambassadeur. L’élu fut interdit et emprisonné par ordre du gouvernement. Les commis furent cassés et les fermiers-généraux obligés de faire des excuses. » Tel est aujourd’hui le code des nations ; chaque pays est resté dans l’isolement parce qu’aucun autre n’en est sorti. En posant des principes que l’étranger pourrait admettre ou rejeter au gré de ses intérêts, on a craint de stipuler contre soi-même. C’est ce qui nous est arrivé quand à deux reprises nous avons essayé d’asseoir quelques règles relativement aux ambassadeurs et aux agens diplomatiques. C’était, il est vrai, sous le gouvernement qui a le moins contribué au rapprochement des peuples. Premier consul ou empereur. Napoléon détestait la diplomatie et les diplomates, dans lesquels il ne voyait que des conspirateurs et des espions. La rédaction du code civil lui donna l’occasion de s’expliquer à ce sujet. Le projet du code contenait une disposition qui affranchissait de poursuites devant nos tribunaux tous les agens diplomatiques étrangers ainsi que les personnes composant leur famille et leur suite. « J’aimerais mieux, dit le premier consul, que les ambassadeurs