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n’eût pas remué depuis cinq ans, les Russes devaient se tenir en garde contre un mouvement offensif de ce souverain et des fanatiques qui l’entourent.

La conduite des opérations était confiée au général von Kauffmann. Cependant, comme le gouvernement-général du Turkestan n’eût pu fournir les 14,000 hommes qu’il s’agissait de mettre en campagne, comme il valait mieux du reste disséminer les troupes sur plusieurs routes, l’état-major-général de Saint-Pétersbourg décida que le corps expéditionnaire se partagerait en quatre colonnes. La première partait de Djizak et de Kazalinsk, à l’embouchure du Syr-Daria, avec 20 compagnies d’infanterie, 30 bouches à feu, 7 sotnias de cosaques et 9,500 chameaux, le Turkestan en fournissait tous les élémens ; le général von Kauffmann en avait le commandement immédiat. Une seconde, organisée par le grand-duc Michel, gouverneur-général du Caucase, se réunissait à Krasnovodsk et Chigichlar sous les ordres du colonel Markosof ; elle se composait de 8 compagnies d’infanterie, avec de la cavalerie et de l’artillerie à proportion, et 3,000 chameaux. La troisième colonne, à peu près de même force que la précédente, avait la ligne la plus courte à parcourir. Partant de Kinderli, au sud de la péninsule de Mangichlak, sous les ordres du colonel Lamakine, avec des troupes du Caucase, elle devait organiser en route des gîtes d’étapes afin de maintenir pendant tout le cours de la campagne une communication prompte et facile entre Khiva et la Caspienne. Enfin le lieutenant- général Verofkine quittait Orenbourg avec 900 fantassins, 12 canons, 400 cosaques et 5,000 chameaux. C’était à lui qu’incombait la responsabilité du plus long parcours dans le désert. Il était en- tendu que toutes ces troupes se mettraient en route de façon à se trouver au même moment sous les murs de Khiva, et que von Kauffmann en prendrait alors le commandement suprême. Ce général faisait en outre explorer les embouchures de l’Amou-Daria par la flottille de l’Aral, c’est-à-dire par des canonnières remorquant des barques à voiles avec une douzaine de canons et 260 soldats de marine. Cette escadrille, trop faible pour opérer un débarquement, pouvait du moins effrayer l’ennemi et diviser ses forces.

Vers le 15 mai, après trois mois de marche, la colonne d’Orenbourg arrivait à Koungrad, sur le bras occidental du delta de l’Oxus, et elle y était rejointe par la colonne Lamakine, qui avait quitté Kinderli le 15 avril. Quoiqu’il n’eût aucune nouvelle des autres détachemens, le général Verofkine n’hésita pas à s’avancer davantage. En avant de Khodchaïli, les Khiviens firent mine de résister : quelques coups de canon les dispersèrent promptement, et la ville fut occupée sans autre accident que deux hommes blessés. Quelques