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de créer une colonie plus au sud, dans la baie de Krasnovodsk, qui n’est pas loin de l’endroit où l’Oxus débouchait jadis dans la Caspienne. En apparence, c’était surtout une station commerciale fondée à la demande des négocians russes pour servir d’entrepôt aux marchandises en provenance ou à destination de la vallée de l’Oxus. Il y existe un mouillage excellent, accessible aux navires d’un fort tirant d’eau, bien que cette côte soit en général très plate. Par malheur, les habitudes des Turcomans ne permettaient pas à cette époque de lancer des caravanes sur la route de Krasnovodsk à Bokhara. Ce nouvel établissement ne laissa pas d’inquiéter la Perse, qui voulut alors, à l’instigation sans doute de la Grande-Bretagne, convenir d’une limite entre son territoire et les possessions rusées. D’un commun accord, les deux puissances adoptèrent pour frontière le cours de l’Attrek, et aussitôt, pour ne rien perdre de ce que ce traité lui accordait, la Russie créa un autre fort à Chigichlar, sur la rive droite de cette rivière. Cela fait, il n’y avait plus un saillant du littoral, de Gourief à Achourada, où l’on ne vît flotter le drapeau impérial.

Les Russes n’en étaient pas beaucoup plus avancés, car les nombreuses colonnes que les commandans de Krasnovodsk et de Chigichlar envoyaient aux alentours pour explorer la steppe ne trouvaient qu’un pays désert, dépourvu d’eau et de fourrage, et si ces détachemens rencontraient parfois les Turcomans, ce n’était que pour échanger avec eux des coups de fusil. La complicité du khan de Khiva avec les tribus indigènes était évidente. Le général von Kauffmann lui écrivit donc pour lui demander de relâcher les prisonniers russes qui se trouvaient dans ses états, de protéger les caravanes et de ne plus encourager les déprédations que ses sujets nomades venaient commettre jusqu’en pays russe. Le khan ne répondit pas à cette lettre. L’année d’après, même demande lui fut adressée ; cette fois il répliqua d’un ton hautain que le tsar était libre d’agir comme il le voudrait. Cela se passait en 1871. Von Kauffmann aurait voulu marcher sur-le-champ contre Khiva ; il en fut empêché par son gouvernement, que l’attitude des Bokhariotes inquiétait encore ; il était à craindre en effet que les fanatiques du Zerefchan ne profitassent de la circonstance pour chercher à prendre leur revanche. Cependant Mohammed-Rachim-Khan s’apercevait déjà que le désert n’était pas impraticable pour ses ennemis ; il apprenait de temps en temps que les colonnes mobiles de Krasnovodsk s’étaient avancées jusqu’aux confins de son territoire. Avec l’astuce qu’avaient eue certains de ses prédécesseurs en pareille occasion, il tenta d’obtenir la paix sans autre sacrifice que de vaines promesses. Il expédia donc une mission au grand-duc Michel, gouverneur-général