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L’ANGLETERRE
ET LES
NOUVEAUX COURANS DE LA VIE ANGLAISE

Un Français du directoire et du consulat ne serait pas trop dépaysé, j’imagine, dans la France de 1874 : il y apercevrait facilement des royalistes et des jacobins de connaissance, aussi bien que la troisième chose qui, de son temps, n’était voulue de personne, et qui devait passer entre les deux volontés irréalisables. Quant à l’Angleterre au contraire, un Anglais qui l’aurait quittée il y a une trentaine d’années et qui la reverrait aujourd’hui aurait peine, je crois, à y reconnaître l’atmosphère de son pays natal. Sans doute depuis trente ans l’extérieur des choses n’y a pas beaucoup varié, les tempéramens et la tenue des individus y sont restés à peu près ce qu’ils étaient ; mais l’invisible mens qui agite la masse fait vite sentir combien elle diffère de l’esprit du passé. Ce qui frappe tout d’abord, c’est le ton nouveau des esprits à l’égard de la religion. Quoique la nation continue à être foncièrement religieuse par ses instincts, et quoique la foi s’y montre même beaucoup plus à l’état militant ou prédicant qu’elle ne le faisait avant Pusey et Newman, on peut dire qu’au moral aussi l’acte d’uniformité a été abrogé. À l’heure qu’il est, la religion n’est plus au nombre des choses imposées par l’opinion publique. À chaque instant, on rencontre des hommes et des journaux qui se posent comme positivistes, comme utilitaires, comme évolutionnistes, et cela ne leur rapporte aucun discrédit, tant s’en faut : c’est là une attitude à la mode, une manière