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la figure et les dimensions de la terre, héritait des notions qui avaient cours dans Alexandrie au IIe siècle de notre ère. Ptolémée admettait la sphéricité de la terre ; ce fut sur des globes sphériques que l’on rapporta d’abord les contours du monde connu. Chaque point essentiel y fut déterminé par la rencontre de deux cercles disposés d’équerre : un parallèle et un méridien. Que faut-il entendre par ces mots, qui reviennent si souvent dans les traités de géographie et de navigation ? Je voudrais assurément éviter tout détail trop technique ; il me paraît cependant impossible de faire comprendre le rôle qu’a joué la science dans les progrès de la navigation sans emprunter quelquefois à la géométrie son langage.

Si chaque hémisphère terrestre se composait, comme certaines montagnes calcaires, de couches superposées, chaque assise distincte y représenterait un parallèle : la base de la montagne serait l’équateur ; au sommet on rencontrerait le pôle. Nous avons du reste tous les jours sous les yeux, dans le dôme arrondi de nos églises, une image bien autrement parlante delà moitié du globe. Les moulures qui descendent du pied de la lanterne à la base de la coupole y figurent en quelque sorte les méridiens. Ainsi que les grands cercles imaginaires que le géomètre a tracés d’un pôle à l’autre de la terre, on peut se représenter ces nervures saillantes comme successivement visitées et éclairées par un astre qui opérerait sa révolution diurne autour du monument. La pensée d’appuyer les déterminations géographiques sur ces deux données fournies par l’astronomie, la hauteur du parallèle au-dessus de l’équateur et la distance du méridien à un méridien principal d’où l’on numérote les autres, n’est pas une pensée précisément moderne ; elle remonte à l’époque où pour la première fois on balbutia les mots de latitude et de longitude. Ce qui fut une nouveauté, ce fut l’entreprise de transporter sur une surface plane des dessins primitivement appliqués sur une surface ronde. Nous voyons Toscanelli ne pas hésiter, vers 1460, à étendre ainsi d’un seul coup, sur le papier, près de la moitié de l’écorce du globe. « Il a, dit-il, tracé de sa propre main, sur une carte semblable aux cartes marines, toute l’extrémité de l’Occident à partir de l’Irlande jusqu’à la fin de la Guinée vers le sud, avec les îles qui se trouvent sur la route. » Vis-à-vis, « droit à l’ouest, » il figure hardiment « le commencement des Indes. » De pareilles esquisses ont pu sans doute servir au navigateur à se donner, suivant le naïf aveu de Colomb, l’apparence « d’un homme qui sait où il va et qui s’attend à rencontrer ce qu’il cherche ; » elles ne constituaient pas ce que nous appelons aujourd’hui une carte marine.

Pour qu’une carte mérite véritablement ce nom, il faut que le