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orné les murailles intérieures et extérieures des demeures particulières de ces peintures autrefois réservées presque exclusivement par les Grecs aux édifices de l’état et aux temples des dieux. Mais Ludius n’était pas un grand peintre ; ce n’était qu’un décorateur des plus habiles et des plus intelligens. Il comprit que, pour que les peintures murales pussent plaire à tous les yeux et convenir à toutes les bourses, il fallait en modifier et les sujets et les procédés. Au lieu des grandes compositions historiques ou mythologiques, il peignit des paysages, des marines, de petites figures, des arabesques, des animaux, des architectures fantastiques. Au lieu de l’encaustique, procédé lent et coûteux, il employa la fresque et la détrempe ; peut-être inventa-t-il cette détrempe vernie à l’encaustique dont il est difficile aujourd’hui de retrouver les procédés. Ainsi Ludius put peindre des murailles entières, non pas à la toise, mais presque au mille ; il put orner les maisons urbaines et suburbaines de vastes peintures d’un aspect charmant et d’un prix modique, — blandissimo aspectu, minimoque impendio. Bientôt, la mode s’en mêlant, il n’y eut pas jusqu’au plus petit marchand qui ne voulût avoir le mur de sa boutique décoré de quelques scènes de son métier ou de son négoce. C’est pour cela qu’on voit à Pompéi tant de pochades de boulangers, de cordonniers, de fripiers, de fleuristes, de marchands de vin cuit.

Ludius, qui fit sans doute fortune, eut de nombreux élèves et de nombreux imitateurs ; mais certains d’entre eux avaient une main plus habile et des aspirations plus élevées. Tandis que la masse de leurs confrères, continuant l’œuvre de Ludius, courait la basse clientèle des marchands et des plébéiens, ils se mettaient aux gages des grands et peignaient leurs demeures de la cité et leurs villas de la Campanie. Les uns se contentaient de décorer de spirituelles ébauches les échoppes et les tavernes ; les autres peignaient au Palatin ou dans la maison d’Arrius Diomède des héros, des nymphes et des bacchantes. Ils abandonnaient la rhyparographie et l’ornement pour la grande peinture décorative. Faut-il croire pour cela, avec certains érudits, que ces peintres faisaient des copies des tableaux et des fresques des maîtres grecs ? Faut-il admettre qu’on peut ainsi retrouver dans les peintures du musée de Naples sinon la touche même, le modelé savant, le contour impeccable, les tons magiques des Parrhasios et des Apelles, du moins leurs compositions, leurs attitudes, leurs dispositions de plans, leur entente de la couleur et du clair-obscur ? Nous ne le pensons pas. Cette idée, fort à la mode à la fin du siècle dernier, a été suggérée par l’analogie des sujets. À ce compte, combien de vases peints seraient copiés sur les œuvres des maîtres ! Parce que Zeuxis a fait un Jupiter, Aristide un