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lumières, du jaune pâle dans les demi-teintes, du jaune-brun dans les ombres, puis un glacis jaune roux sur le tout. On ne saurait admettre ce glacis, s’ils ont peint à fresque ; mais il devient admissible, si, comme on le pense, ils ont peint à l’encaustique. La cire étant sèche, ils pouvaient glacer rapidement avec une nouvelle couche de cire tiède.

Les peintures antiques trouvées à Pompéi, à Herculanum, à Rome et à Pæstum sont moins une preuve qu’un indice de l’excellence de la peinture grecque. L’impression qu’on ressent dans les vastes salles du musée Bourbon est qu’on est en présence d’un art fait d’habileté et de science, non point d’œuvres de grands maîtres. Quelle que soit la valeur de certaines fresques, il ne faut pas juger l’art de peindre dans l’antiquité sur ces quelques peintures, il faut le juger sur l’ensemble des seize cents œuvres exposées. On peut alors croire qu’avec les puissans moyens d’exécution que possédaient les peintres antiques un grand artiste, un Polygnote, un Zeuxis, un Apelles, a pu faire des chefs-d’œuvre.

Depuis bientôt trois siècles, les tapisseries, les panneaux à compartimens sculptés, les cuirs mordorés, les velours, les étoffes de soie et de laine, ont peu à peu chassé de nos demeures les peintures décoratives sur mur. Aujourd’hui on ne peint plus guère que les plafonds, encore, quand le peintre n’est pas Baudry ou Cabanel, est- ce d’après un poncif dont on ne peut s’écarter. Il faut des teintes légères, des tons vaporeux, des figures de femmes et d’enfans qui n’aient du corps humain que les contours, car un modelé trop accusé et une couleur trop vigoureuse les feraient tomber sur la tête des gens. Dans quelques hôtels particuliers cependant, dans des escaliers par exemple, on voit encore des peintures murales largement exécutées par de simples décorateurs d’une habileté prestigieuse : guirlandes de fleurs, natures mortes, motifs architectoniques, paysages, figures de déesses et d’amours ; mais ces sortes de décorations sont trop rares. On est prodigue pour l’industrie, parcimonieux pour l’art.

À Rome, il n’en était pas ainsi. Pour toute décoration intérieure, les anciens avaient les plaques de marbre et les couches de stuc ; mais le plus souvent le marbre et le stuc ne montaient que jusqu’à hauteur d’appui. Au-dessus, comme le mur récrépi ou même peint d’un ton uniforme eût été d’un aspect pauvre ou monotone, les Romains de l’empire, qui n’en étaient plus à la simplicité des Romains de la république, avaient imaginé de faire peindre de grandes compositions plus ou moins bien exécutées, qui valaient mieux à tout prendre que le mur nu. Le premier, le peintre Ludius, vivant sous le règne d’Auguste, avait vulgarisé ce genre de décoration. Il avait