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comte Vassili : à ce simple énoncé, l’effroi vous gagne, et vous reculez interdit devant ces quatre actes qu’une musique d’une forme mélodique souvent heureuse ne parvient point à sauver de la défaveur qui s’attache au sujet. Impossible de s’intéresser à des popes, à des chefs « du Caucase indompté » déguisés sous des habits de serf, et de prendre au sérieux sur le théâtre de l’Opéra une chasse à l’aurochs! Vainement les auteurs du poème se sont donné pour tâche d’entasser Guillaume Tell sur la Juive, et le Prophète sur la Favorite, toutes ces situations déjà mises en musique par Rossini et Halévy, Meyerbeer et Donizetti, bien loin de gagner à se trouver ainsi rassemblées, perdent énormément de leurs avantages par la disgrâce du sujet et du costume. Écrite en 1851, l’œuvre de M. Membrée nous arrive après vingt-trois ans d’erreurs et de tribulations sans nombre. Une telle odyssée, pleine d’amertumes vaillamment endurées, rendrait à elle seule un musicien digne de la sympathie des honnêtes gens et des égards de la critique. Malheureusement rien ne saurait empêcher cet opéra de porter sa date, et si l’inspiration montre parfois une certaine grandeur, comme dans le tableau patriarcal du premier acte, le travail symphonique ne répond plus aux préoccupations nouvelles. Depuis la Muette et la Lucia, les temps ont marché, nous commençons à trouver que nous en avons assez de ces arpèges continus, de ces accompagnemens où la flûte, le hautbois, le cor, la clarinette, vont ressassant la mélodie vocale, — et quant à ces brusques oppositions du piano au forte, l’usage en est aujourd’hui tellement sorti de nos mœurs que, lorsqu’elles nous éclatent à l’oreille, nous bondissons stupéfaits en nous écriant : Quel est donc ce mystère? sur l’air de la Muette et de la Dame blanche. L’ouvrage est convenablement exécuté : Mlle Mauduit prête à la figure de Paula son expression dramatique, M. Gailhard chante le pope et M. Lassalle Vassili, tous deux également doués de bonnes voix graves bien sincères et dont ils savent se servir. M. Sylva joue Kaledji, le prince esclave, et je regrette de n’avoir à constater chez lui aucun progrès. Le geste est pompeux et froid, l’attitude embarrassée, la voix reste sourde, indécise, le chanteur ne se dégage pas, et je crains un peu que M. Sylva ne ressemble à ce François II, d’un drame de l’Odéon, qui disait, en se mettant la main sur le cœur :

Je sens là comme un roi qui ne peut pas sortir.


F. DE L.



ESSAIS ET NOTICES.

LES INCENDIES DE FORETS EN ALGERIE.


Le 22 juin dernier, le gouvernement présentait à l’assemblée nationale un projet de loi pour réprimer les incendies de forêts en Algérie.